Le patron du géant russe des engrais Uralkali va rester en détention au moins deux mois au Bélarus, ont annoncé mardi les enquêteurs de cette ex-république soviétique, provoquant la colère de Moscou dans cette affaire qui pourrait envenimer les relations entre les deux voisins.

«Une sanction de deux mois de détention a été prise à l'encontre de Vladislav Baumgertner. Dans le cadre de l'enquête, ce délai pourrait être prolongé, mais une autre sanction pourrait également être prise», a indiqué à l'AFP un porte-parole du comité d'enquête bélarusse, Pavel Traoulko.

Accusé d'abus de pouvoir, le directeur général du producteur de potasse, le minerai utilisé pour la fabrication des engrais agricoles, a été arrêté lundi à Minsk moins d'un mois après la rupture de ses liens commerciaux avec son concurrent bélarusse, Belaruskali, avec lequel il effectuait jusqu'à présent ses exportations via une coentreprise BPC.

Il était venu discuter avec le chef du gouvernement bélarusse Mikhaïl Miasnikovitch, «des questions liées aux activités de BPC», selon Uralkali.

La chaîne publique bélarusse, Belarus-1, dans un sujet intitulé «le crime de l'année», a montré en boucle des images de M. Baumgertner, les mains menottées dans le dos, alors qu'il était conduit dans un centre de détention.

L'ambassadeur bélarusse en Russie Igor Petrichenko a été convoqué mardi au ministère russe des Affaires étrangères qui a demandé la libération de son ressortissant.

«L'interpellation d'un homme d'affaires, se trouvant au Bélarus sur invitation du chef du gouvernement pour résoudre d'importantes questions de coopération économique russo-bélarusse, est inadmissible», a indiqué la diplomatie russe.

Cela «pourrait affecter le calendrier des contacts russo-bélarusses au niveau politique», a souligné le ministère.

Le milliardaire russe Mikhaïl Prokhorov a dénoncé mardi le caractère «clairement politique» de l'affaire.

«Il faudrait suivre cette affaire car Uralkali est une entreprise clé pour le budget bélarusse», a-t-il dit cité par l'agence Interfax.

La diplomatie bélarusse a de son côté souligné que M. Baumgertner avait porté «un préjudice important» au Bélarus et a appelé Moscou à «laisser tomber les émotions et à ne pas lier cette affaire à la politique».

Malgré des épisodes conflictuels, la Russie reste le principal soutien du Bélarus, sous le coup de sanctions occidentales pour son bilan en matière de droits de l'homme. Les deux pays forment avec le Kazakhstan une union douanière.

Selon M. Traoulko, un avocat bélarusse s'occupe du cas de l'homme d'affaires.

Un juriste d'Uralkali est également arrivé à Minsk, pour aider son collègue bélarusse, accompagné de la mère de M. Baumgertner, a indiqué à l'AFP l'ambassade russe à Minsk.

C'est en tant que président du conseil de surveillance de BPC qu'il est visé par l'enquête ouverte par le parquet général du Bélarus, a précisé le comité d'enquête bélarusse.

Le patron d'Uralkali, ainsi que trois autres de ses dirigeants, sont accusés par les enquêteurs d'avoir profité des structures de BPC au seul avantage du groupe russe, mais aussi d'en avoir tiré un profit personnel, a expliqué le porte-parole des enquêteurs bélarusses.

Uralkali a annoncé le 30 juillet qu'il rompait ses liens avec Belaruskali, accusant son partenaire bélarusse d'avoir réalisé des exportations en dehors du cadre de BPC après avoir reçu l'autorisation du président du pays, Alexandre Loukachenko.

Pour s'adapter à un renforcement de facto de la concurrence, il a prévenu qu'il doperait sa production, alors qu'il la limitait jusqu'à présent, comme ses concurrents, pour maintenir les cours à un niveau permettant de dégager d'importantes marges.

Ces annonces ont été interprétées comme un bouleversement du marché de la potasse et ont entraîné l'effondrement boursier de tout le secteur, touchant ses concurrents canadien Potash ou allemand K+S. Les analystes s'attendent en effet à une chute des prix qui va plomber la rentabilité des producteurs.

Belaruskali, de son côté, a accusé Uralkali de vouloir le déstabiliser pour en prendre le contrôle et s'est lancé à la recherche de clients.

En attendant, un directeur général par intérim a été nommé à Uralkali. Il s'agit d'Evgueni Kotliar, directeur d'exploitation.