Fabricant sans histoires d'engrais et de sel, l'allemand K+S s'est retrouvé en quelques jours victime collatérale d'un changement de stratégie du géant russe Uralkali, une menace sérieuse pour sa rentabilité et sa place à la Bourse de Francfort.

La semaine dernière, K+S, 4 milliards d'euros (5,3 milliards de dollars) de chiffre d'affaires et 14 000 salariés, a perdu plus de 2 milliards d'euros (2,6 milliards de dollars) de capitalisation boursière, partis en fumée après l'onde de choc provoquée par le changement de stratégie du fabricant d'engrais Uralkali.

Et la descente aux enfers continuait cette semaine, après l'abaissement lundi par Standard & Poor's de la perspective de la dette, et un avertissement sur résultats mardi. L'action s'est enfoncée de 8,14% mardi, et a ainsi perdu plus de 40% en six séances. K+S est dorénavant la plus petite capitalisation de l'indice Dax des trente blue chips allemandes. Sa place dans l'indice est menacée.

Mardi dernier Uralkali avait annoncé la rupture de son alliance commerciale avec le bélarusse Belaruskali, mettant de facto fin à une situation d'oligopole sur le marché de la potasse qui garantissait à tous les acteurs du secteur de confortables profits.

L'ouverture du marché de ce minerai, composant essentiel de nombre d'engrais, va faire chuter les prix à potentiellement moins de 300 dollars par tonne, contre environ 400 dollars à l'heure actuelle, a prévenu le patron d'Uralkali.

Le prix, «paramètre le plus important»

Le russe, «l'un des producteurs du secteur aux coûts les plus bas, est bien positionné pour s'accommoder de prix moindres», notent les analystes de Standard & Poor's. Mais K+S «sera dans une position beaucoup plus difficile, du fait de ses coûts de production nettement plus élevés».

Le prix de la potasse «est le paramètre le plus important pour K+S», fait valoir Heinz Müller, analyste de DZ Bank. Or s'il descend effectivement sous 300 dollars la tonne, K+S «ne rentrera pas dans ses frais» et une injonction de capital sera nécessaire, analyse Marc Gabriel, analyste de Bankhaus Lampe.

En outre l'assombrissement des perspectives sur le marché de l'engrais met en péril les projets d'investissements de la société au Canada, selon l'analyste. K+S est en train d'y construire une nouvelle usine de potasse pour plus de 3 milliards d'euros, avec un démarrage de la production prévu en 2016.

K+S, basé à Kassel (centre), est aussi le numéro un mondial du sel. Il profite notamment des hivers rigoureux, comme cette année, en vendant du sel de déneigement.

«Nous avons un solide second pilier», assurait mardi Norbert Steiner, le patron de la société, «cela nous rend plus résistants pour une concurrence potentiellement accrue». «Nous savons gérer» les phases difficiles, a-t-il ajouté, promettant d'«observer très attentivement» les changements sur le marché et de «s'y préparer», en gardant un oeil vigilant sur ses coûts.

Pour cette année en tout cas, «il est probable que l'augmentation attendue des bénéfices dans le sel ne suffira pas à compenser le recul dans le segment des produits à base de potasse et magnésium», a prévenu le groupe, en renonçant à sa prévision de légère hausse du bénéfice d'exploitation. L'objectif pour 2014 risque d'être difficile à tenir aussi, a ajouté la société.

Entre temps le patron d'Uralkali Vladislav Baumgertner a à nouveau fait parler de lui, estimant lundi que la consolidation dans le secteur serait «une étape logique quand les prix baisseront».