Le brusque ralentissement du secteur minier frappe fort en Abitibi-Témiscamingue. Conséquence: pour la première fois depuis 2008, la croissance économique de la région pourrait être inférieure à celle de l'ensemble du Québec cette année.

Sans faire trop de bruit, les mises à pied se succèdent dans l'industrie minière québécoise, plus particulièrement en Abitibi-Témiscamingue. Les foreuses sont à l'arrêt et les consultants sabrent leurs prix. La morosité commence à se faire sentir dans l'économie de la région.

Dans les entreprises de forage, des centaines de travailleurs ont perdu leur emploi ces derniers mois. Chez Orbit Garant, l'effectif est passé de 1100 travailleurs l'an dernier à environ 500 cette année, indique le chef de la direction financière, Alain Laplante, dans un entretien téléphonique avec La Presse Affaires.

À peine 40% des 224 foreuses de l'entreprise cotée en Bourse sont actuellement utilisées. Au cours du trimestre qui a pris fin le 31 mars, les revenus ont reculé de 43% par rapport à la même période de l'an dernier. Le bénéfice d'exploitation a plongé de 65%.

Scénario semblable chez Forage G4. L'entreprise compte actuellement une soixantaine d'employés, contre plus de 300 il y a un an. Pas moins de 33 des 40 foreuses sont en veilleuse. Du côté de Forages Chibougamau, qui comptait 250 salariés l'an dernier, on a dû mettre à pied environ 150 travailleurs, confie le vice-président, Steve Larouche. La moitié des foreuses de l'entreprise sont inactives.

«Les prix ont été coupés en trois», constate Daniel Gamache, PDG de Forage G4.

Chute des métaux

Selon les entrepreneurs, la hausse des redevances minières, décidée plus tôt cette année par le gouvernement Marois, a contribué à la baisse des activités d'exploration. Mais c'est surtout la chute des cours des métaux qui explique le marasme actuel: les investisseurs sont devenus très réticents à financer des entreprises d'exploration.

«Au Mexique, ce n'est pas mieux qu'ici», affirme M. Gamache. Son entreprise est présente dans le pays latino-américain.

Même son de cloche chez Orbit Garant, qui fore partout au Canada. «Le ralentissement est moins prononcé dans les autres provinces, mais seulement légèrement», dit M. Laplante.

Sur son site web, l'entreprise de services Abitibi Géophysique note que la conjoncture «nous pose tous un énorme défi». La firme promet d'«adapter [ses] tarifs à la situation, quitte à investir moins en innovation».

Les entreprises de génie-conseil actives dans le secteur minier ont elles aussi commencé à mettre à pied du personnel, confie le dirigeant d'une importante firme qui désire conserver l'anonymat. L'Association des ingénieurs-conseils du Québec ne peut toutefois pas chiffrer l'ampleur du phénomène.

Inquiétude à Val-d'Or

La situation inquiète la chambre de commerce de Val-d'Or, qui n'a toujours pas digéré l'augmentation des redevances minières.

«Dès qu'il y a des mises à pied, ça a un impact sur les commerces de la région», note le président de l'organisme, Marcel Jolicoeur.

Dans un récent rapport, le Mouvement Desjardins prévoit que la croissance du PIB nominal de l'Abitibi-Témiscamingue atteindra 3% en 2013, contre 3,3% pour l'ensemble du Québec.

Pour la première fois depuis 2008, la région accusera donc un retard par rapport à la province. Les économistes de la coopérative financière estiment que cette tendance se poursuivra au moins jusqu'en 2014.

Dans l'industrie de l'exploration minière, rares sont ceux qui veulent se hasarder à prédire le moment de la reprise. Certains parlent de l'automne; d'autres, de l'an prochain, voire de 2015.

Desjardins souligne toutefois que des projets importants donneront un coup de pouce à la région: les travaux de modernisation des usines de Xstrata Cuivre et de Tembec ainsi que la future mine de Royal Nickel.

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Croissance du PIB nominal

2009 2010 2011 2012 2013

Abitibi-Témiscamingue 4,6% 6,9% 5% 4% 3%

Ensemble du Québec 0,2% 4,6% 4,6% 3,2% 3,3 %

Emploi en Abitibi-Témiscamingue

2011 : + 3300

2012 : - 1600

Mises en chantier en 2012

Abitibi-Témiscamingue : - 48%

Ensemble du Québec : - 2%