EXCLUSIF - Les entreprises d'exploration minière soutiennent que Revenu Québec les fait attendre de plus en plus longtemps avant de leur verser les crédits d'impôt auxquels elles ont droit, ce qui pousse certaines d'entre elles à cogner à la porte d'autres institutions gouvernementales pour obtenir des prêts transitoires.

En mai, Ressources GéoMégA a ainsi emprunté 750 000$ à la Société d'investissement dans la diversification de l'exploration (SIDEX) à un taux d'intérêt annuel de 8%. La SIDEX appartient à 70% à Québec et à 30% au Fonds de solidarité FTQ.

La SIDEX n'a effectué qu'une poignée de prêts semblables depuis l'an dernier, assure à La Presse Affaires le directeur général de la société, Michel Champagne.

Des taux jusqu'à 20%

D'autres juniors ont tenté d'obtenir du financement intérimaire auprès d'Investissement Québec (IQ), qui aurait demandé un taux d'intérêt de 12%.

«D'un côté, t'as des délais de paiement chez Revenu Québec et, de l'autre, t'as un bras financier du gouvernement qui vient te prêter. C'est un peu particulier», affirme Valérie Fillion, directrice générale de l'Association de l'exploration minière du Québec (AEMQ).

Incapable d'obtenir tout ce qu'elle cherchait chez IQ ou à la SIDEX, Ressources Sirios s'est finalement résignée, en avril, à emprunter 804 000$ auprès de la firme privée R&D Capital à un taux d'intérêt de... 20,4%. «C'est exorbitant, c'est un taux de carte de crédit», lance le président de l'entreprise, Dominique Doucet.

Pour consentir ces financements, les prêteurs prennent la totalité des actifs des entreprises en garantie, y compris la valeur des crédits d'impôt à recevoir.

«Les entreprises demandent les crédits d'impôt auxquels elles ont droit, elles ont fait les travaux d'exploration, elles ont suivi toutes les règles, dit Mme Fillion. Est-ce qu'elles peuvent recevoir leurs crédits et continuer à explorer? C'est déjà assez difficile avec la conjoncture actuelle.»

Quest Rare Minerals n'a pas encore touché ses crédits d'impôt pour l'année 2011. L'entreprise attend 5,3 millions, mais Revenu Québec lui a récemment fait savoir qu'elle pourrait ne pas recevoir une portion importante de cette somme, soit 2 millions. «Ce serait une question de critères d'admissibilité», dit le PDG, Peter Cashin.

«Heureusement, nous avons suffisamment d'argent en banque pour poursuivre nos projets», note-t-il.

D'autres entreprises ont confié à l'AEMQ s'être fait refuser certains crédits d'impôt qu'elles avaient touchés par le passé. Le regroupement a demandé à rencontrer Revenu Québec cet été afin de savoir si la façon d'appliquer les règles a changé.

Revenu Québec réagit

Les entreprises minières, rappelons-le, n'apprécient pas particulièrement le Parti québécois par les temps qui courent, mais elles ne le blâment pas directement dans ce dossier, le ralentissement dans le versement des crédits d'impôt ayant commencé l'an dernier lorsque les libéraux étaient encore aux commandes. Le problème ne semble pas exister pour les crédits d'impôt fédéraux.

Plusieurs dans l'industrie se demandent si Québec n'a pas décidé de mettre la pédale douce sur les remboursements dans le cadre de ses efforts pour retrouver l'équilibre budgétaire. «Ils étirent le temps quand vient le moment de payer, mais ils sont très rapides pour percevoir», glisse le PDG d'une firme qui a requis l'anonymat.

Stéphane Dion, porte-parole de Revenu Québec, nie que l'organisme puisse traîner les pieds pour des raisons budgétaires. «Notre objectif, c'est de traiter 85% des demandes de crédit d'impôt dans un délai de 180 jours», déclare-t-il.

«Oui, on veut effectuer les paiements rapidement, mais en même temps, il est important pour nous de bien documenter les dossiers et de nous assurer que les obligations fiscales sont respectées», ajoute M. Dion, rappelant que Québec verse pas moins de 2 milliards de dollars en crédits d'impôt aux entreprises chaque année.

Dépenses d'exploration minière

> Canada (2012): 3,9 milliards, en baisse de 8,1%

> Québec (2012): 696 millions, en baisse de 16,5%

> Canada (prévisions 2013): 3,4 milliards, en baisse de 13,9%

> Québec (prévisions 2013): 690 millions, en baisse 

de 0,9%

Source: Institut de la statistique du Québec