La Chine et le climat joueront encore en 2013 les principaux agents perturbateurs sur les marchés mondiaux des matières premières, toujours étroitement assujettis aux incertitudes de l'une et de l'autre.

«Nous vivons tous sous l'épée de Damoclès chinoise», a estimé mardi l'économiste et historien Philippe Chalmin, professeur à l'Université Dauphine à Paris en présentant le rapport Cyclope, Bible annuelle des matières premières.

Déjà en 2012, les «doutes sur la croissance chinoise» ont fortement pénalisé les marchés des minerais et des métaux alors que les clients de la Chine, l'Europe en particulier, se débattent toujours au coeur de la crise entamée en 2007/2008, «l'une des crises majeures du monde contemporain comme il en existe tous les 25 à 30 ans», selon M. Chalmin.

«Selon que la croissance chinoise sera plus proche de 7 ou de 9% en 2013, les marchés de matières premières seront différents», estime-t-il. Une étude de la banque Société Générale cet automne sur un «hard landing» (atterrissage brutal) de l'économie chinoise projetait qu'avec une croissance à 3%, les prix des métaux plongeraient de quelque 50%.

Mais la Chine «garde de la marge» avec son marché intérieur dont la demande est loin de se tarir, remarque l'économiste chinois Xiaoqi Yang, un des auteurs de Cyclope. Le pays a d'ailleurs donné la mesure de ses ambitions en achetant en juin dernier le London Metal Exchange (LME) via la Bourse de Hong-Kong, estime-t-il.

«La Chine rêve de pouvoir fixer le prix des matières premières, elle conserve une énorme ambition», affirme M. Yang.

Elle conserve aussi sa toute-puissance sur les marchés agricoles. «Ayant pollué son sol, son eau et son air, elle est obligée de continuer ses importations de lait, soja et maïs», explique-t-il.

C'est même le vrai danger qui guette la Chine: la destruction de l'environnement, sacrifié à la croissance industrielle, selon cet expert. «Le brouillard de Pékin s'étend désormais sur un tiers de la Chine: que va-t-elle faire ? Réduire ses productions et donc ses exportations ou continuer comme ça ?».

La Chine importe déjà 60% du soja mondial, remarque François Luguenot, analyste des marchés du groupe coopératif InVivo, également contributeur de Cyclope: quatre cargos par mois (230 000 tonnes) contre un seul il y a dix ans.

Pour les experts, la Chine reste là encore «le faiseur de marchés» sur ce type d'approvisionnement.

L'autre étant le climat. Grâce à lui en 2012, les céréales ont joué «les vedettes» avec un bond de 30% des prix mondiaux du blé et du maïs au coeur de l'été en raison de la sécheresse aux États-Unis, remarque Philippe Chalmin.

Pour lui, «les tensions restent fortes sur ce marché», liées aux incertitudes sur les cultures aux États-Unis et autour de la Mer Noire où le mercure atteint déjà 35°C. «Pour le moment les prévisions de récoltes sont excellentes pour reconstituer des stocks historiquement bas, mais y aura-t-il de la pluie cet été aux États-Unis ?», s'interroge-t-il.

Le phénomène s'est répété récemment pour le lait, avec la sécheresse en Nouvelle-Zélande, principal fournisseur de l'Asie.

«La saison a montré que l'homme reste fortement dépendant de la nature», insiste Philippe Chalmin qui déplore la «panne» de la gouvernance mondiale y compris sur les suites à donner au Protocole de Kyoto.

À la marge l'Inde a pu se montrer «déterminante» sur le marché des céréales l'an dernier grâce à plusieurs bonnes récoltes de blé et des stocks considérables, note François Luguenot. «Mais c'était très conjoncturel», estime-t-il. D'autant que «moins des deux tiers des cultures bénéficient de conditions de stockage admissibles», relève le rapport.