Onde de choc dans les échelons supérieurs de Canada inc!

Dans un geste encore inédit au cours d'une assemblée annuelle d'envergure, les actionnaires du plus gros producteur du monde, Barrick Gold [[|ticker sym='ABX'|]], ont fortement rejeté le plan de rémunération de ses hauts dirigeants.

Ils ont voté à 85% des voix exprimées pour s'opposer à la rémunération élevée de la haute direction, en particulier la prime à l'embauche de 11,9 millions US versée au nouveau coprésident du conseil, John Thornton.

Avec ce vote, aussi, les actionnaires de Barrick ont emboîté massivement le pas à la déclaration publique d'opposition faite il y a quelques jours par un groupe des plus importants investisseurs boursiers du pays, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec et les énormes caisses de retraite Teachers', OMERS et RPC (Régime de pensions du Canada), basées à Toronto.

Un message important

Les premiers résultats constatés hier d'une telle alliance de gros investisseurs représentent aussi un tournant en matière de gouvernance des grandes entreprises au Canada, de l'avis d'experts en la matière.

«Le vote négatif chez Barrick envoie un message important dans les conseils d'administration de toutes les grandes entreprises. Les actionnaires, surtout les plus influents, sont désormais plus vigilants en ce qui concerne le principe de lier la rémunération des dirigeants à leur rendement réel comme gestionnaires», a expliqué Olivier Gamache, PDG du Groupe investissement responsable (GIR), une firme de gestion de procurations de vote pour de grands investisseurs.

Selon Yvan Allaire, président de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques (IGOPP), le vote négatif sur la rémunération chez Barrick est d'autant plus significatif qu'il découle de l'alliance de «certains grands fonds d'investissement, dont la Caisse de dépôt, qui ont décidé pour la première fois de manifester leur opposition d'une voix commune».

Selon M. Allaire, cette alliance signifie que, désormais, les grandes entreprises se doivent de «bien surveiller la relation entre la rémunération de leurs dirigeants et le rendement de l'entreprise pour ses actionnaires».

Chez Barrick, la prime à l'embauche de 11,9 millions US versée au nouveau coprésident du conseil a fait bondir la rémunération totale des dirigeants au-delà de 50 millions. Et ce, durant un exercice où les résultats financiers du géant aurifère et son rendement boursier ont été très décevants pour ses actionnaires.

Encore hier, durant l'assemblée, le président du conseil et fondateur de Barrick, Peter Munk, 85 ans, a tenté d'expliquer cette performance mitigée lors d'un long discours de plus d'une heure.

Malgré tout, peu après, les actionnaires ont voté massivement contre le plan de rémunération. Ils ont aussi réduit autour de 75% leur appui à certains des membres du conseil, dont l'ex-premier ministre Brian Mulroney.

Même des gros actionnaires de Barrick se sont dits étonnés d'un tel niveau d'opposition. «C'est surprenant. Mais en même temps, ça envoie un message fort à tous les conseils. Il faut qu'ils respectent mieux le principe de la rémunération selon la performance», a indiqué Paul Taylor, vice-président principal et chef des investissements en actions canadiennes chez BMO Gestion d'actifs. Cette filiale de la Banque de Montréal détient 17 millions d'actions de Barrick, pour une valeur de 331 millions.

En comparaison, le groupe de gros investisseurs alliés à la Caisse de dépôt contrôle au moins 23,2 millions d'actions, pour une valeur de 452 millions.

Dans une déclaration subséquente à l'assemblée, le conseil de Barrick a indiqué qu'il entend «prendre attentivement en considération la perspective de nos actionnaires au sujet de la rémunération des dirigeants».

Légalement, cependant, il n'est pas tenu d'agir parce qu'il s'agissait d'un vote consultatif, à la différence du vote réglementaire dans les assemblées d'entreprises américaines.

Barrick Gold annonçait aussi des résultats trimestriels, hier, en marge de son assemblée d'actionnaires. Elle a déjà vu son titre perdre plus de 40% de sa valeur depuis le début de l'année.

La société a déclaré au premier trimestre un bénéfice net de 847 millions US, ou 85 cents US par action, en baisse comparativement au résultat de 1,04 milliard US, ou 1,04$US par action, du premier trimestre de 2012. Elle a attribué ce recul à la chute des cours de l'or et du cuivre, ainsi qu'à une réduction des volumes de vente.

Barrick a annoncé plusieurs mesures de réduction des dépenses, en particulier dans ses gros projets miniers comme Pascua-Lama, dans les Andes chiliennes. Ce projet est en sérieuses difficultés à la suite de l'opposition croissante manifestée dans la population régionale.

Avec La Presse Canadienne