La fronde lancée vendredi dernier par les plus importantes caisses de retraite du Canada contre la rémunération élevée des dirigeants du géant aurifère Barrick Gold s'accroît parmi les gestionnaires de placements et de fonds d'investissement.

Au point où plusieurs millions de votes contre cette rémunération pourraient s'ajouter à ceux déjà déclarés par ce «groupe des huit» en prévision de l'assemblée annuelle des actionnaires de Barrick, qui a lieu demain matin à Toronto.

Ce «groupe des huit» réfère à l'alliance d'opposition menée par la Caisse de dépôt et placement du Québec avec ses principaux semblables au Canada: Teachers', OMERS et RPC à Toronto, Investissements PSP à Montréal, ainsi que les sociétés d'État Alberta Investment et BC Investment dans l'Ouest. Le «groupe des huit» comprend également une société-conseil de Londres en gestion de vote d'investisseurs institutionnels: Hermes Equity Ownership.

Vote contre

Dans un geste sans précédent, ces huit se sont déclarés publiquement contre la rémunération des hauts dirigeants de Barrick, en particulier la «prime à l'embauche» de 11,9 millions US consentie sans condition à son nouveau coprésident du conseil, John Thornton.

Réunis, ces huit opposants contrôlent au moins 23,2 millions d'actions de Barrick, ce qui constitue le sixième bloc d'actions en importance chez le géant aurifère. La valeur courante de ce bloc voisine les 430 millions à la Bourse de Toronto.

Vendredi dernier, le groupe mené par la Caisse de dépôt, qui a 8,4 millions d'actions de Barrick, a annoncé qu'il voterait contre la «politique de rémunération des hauts dirigeants» à l'occasion du vote consultatif à ce sujet qui aura lieu à l'assemblée de demain matin.

Depuis cette déclaration, d'autres gestionnaires de portefeuilles et de fonds d'investissement y ont porté attention. Et tout indique que plusieurs ont aussi donné instruction à leurs fiduciaires d'imiter les plus importants fonds de retraite du Canada en votant contre la politique de rémunération.

L'un de ces fiduciaires est le Groupe investissement responsable (GIR), de Montréal.

«Nous avons quelques clients qui cumulent des millions d'actions de Barrick qui nous demandent d'inscrire leurs votes contre la rémunération lors de l'assemblée annuelle», indique son PDG, Olivier Gamache.

Qui sont-ils? Et seront-ils en nombre suffisant pour inciter le conseil d'administration de Barrick à revoir sa politique de rémunération?

Olivier Gamache ne peut en divulguer davantage sur les clients de GIR pour des raisons contractuelles. Cependant, ils recourent à GIR pour suivre les enjeux de gouvernance et de responsabilité sociale dans les entreprises où ils sont investis, parfois jusqu'à hauteur de dizaines de millions de dollars.

C'est le cas, par exemple, de la firme Hexavest, de Montréal, qui détient 2 millions d'actions de Barrick pour une valeur courante de 37 millions dans ses divers fonds et portefeuilles. Le premier vice-président d'Hexavest, Robert Brunelle, a indiqué à La Presse Affaires qu'il confie à GIR la gestion de ses votes chez Barrick.

Critique de longue date

Pour Olivier Gamache, cependant, il est peu surprenant de voir une expression accrue de la grogne d'actionnaires d'importance chez Barrick. En fait, dit-il, ça fait des années que le géant aurifère est critiqué par des actionnaires plus activistes pour certaines pratiques dans ses principaux projets miniers, de même que pour sa gouvernance et la rémunération de ses hauts dirigeants.

Mais cette année, pour que de gros investisseurs comme la Caisse de dépôt et Teachers' haussent également le ton aussi publiquement, la prime à l'embauche de 11,9 millions US versée par Barrick à son nouveau coprésident du conseil est «la goutte qui a fait déborder le vase», selon Olivier Gamache.

«Habituellement, ces gros investisseurs agissent et font pression en coulisse des hautes directions d'entreprises. Qu'ils sortent aussi publiquement contre la rémunération des dirigeants de Barrick témoigne de leur très grand mécontentement.»

À la Bourse de Toronto, les actions de Barrick ont terminé en baisse de 0,8%, à 18,49$, alors que le prix de l'or a progressé de 1,8%.