Le boom du gaz de schiste aux États-Unis a changé la donne économique de l'extension controversée de l'oléoduc Keystone, qui permettra d'augmenter la production de brut à un moment où ce n'est plus indispensable à la sécurité de l'approvisionnement énergétique du pays.

Le projet né il y a 5 ans de Keystone XL, l'extension de l'oléoduc qui doit créer une nouvelle route d'acheminement du pétrole issu des sables bitumineux du Canada vers le Golfe du Mexique en passant par le Montana, le Dakota du Sud et le Nebraska, est estimé à 5,3 milliards de dollars par son promoteur, TransCanada.

Si son lancement est approuvé par le gouvernement américain, Keystone XL devrait créer 6500 emplois directs aux États-Unis selon le groupe canadien, mais beaucoup moins selon une étude indépendante de l'université Cornell, qui évalue ces créations d'emplois à 4650 maximum, et pour deux ans seulement.

Les défenseurs de l'environnement affirment en outre que ce nouveau tronçon de Keystone renforcera la dépendance des États-Unis à l'une des formes d'hydrocarbures les plus polluantes au monde, au lieu que le pays investisse dans des énergies renouvelables qui créeraient, selon eux, des emplois permanents à plus forte valeur ajoutée.

Pour les compagnies pétrolières, la construction de Keystone XL facilitera le transport du pétrole du Canada et surtout du nord des États-Unis vers les raffineries du Texas (sud).

Cela va permettre «d'augmenter la production de brut au Canada et dans le Dakota du Nord, aux États-Unis», remarque Andy Lipow, analyste indépendant de Lipow Oil Associates.

«Si c'est bon pour le Canada, c'est bon pour nous car c'est notre premier partenaire commercial» et la croissance canadienne se traduit en partie par une hausse des achats de biens et services aux États-Unis, note également James Williams, de WTRG Economics.

Baisse ou remontée des prix?

Si l'avantage en termes de volumes de production pour les groupes pétroliers et de raffinage est évident, l'impact sur les cours du pétrole s'annonce contrasté.

L'augmentation de l'approvisionnement en brut devrait se traduire par une hausse de la production de produits raffinés, un avantage pour les consommateurs car cela doit théoriquement peser sur les cours, mais les adversaires de Keystone soulignent que l'essentiel de l'essence sera exporté, ce qui fera à l'inverse remonter les prix aux États-Unis.

«Les raffineurs qui bénéficieront du brut de Keystone exportent déjà 60% de leur production. En outre, les sables bitumineux sont un pétrole très lourd et la forme de raffinage la plus rentable est d'en faire du diesel, pour lequel les marchés les plus dynamiques sont en Europe ou en Amérique latine», explique Steve Kretzmann, porte-parole de l'organisation Oil Change International.

Par ailleurs, le surplus de pétrole du Canada ou du nord des États-Unis se traduira probablement par une baisse des importations en provenance des pays de l'OPEP, l'organisation des pays exportateurs, ce qui neutralisera toute baisse des prix pétroliers.

Les avocats de Keystone XL soulignent que l'oléoduc augmentera la sécurité énergétique des États-Unis, car il «réduira la dépendance au pétrole provenant de pays potentiellement instables», notamment ceux du Moyen-Orient ou le Venezuela, souligne James Williams.

L'argument vaut toutefois moins aujourd'hui qu'il y a cinq ans, avant le début du boom du forage du schiste, grâce auquel les États-Unis deviendront le premier producteur mondial de pétrole d'ici quatre ans et parviendront à l'indépendance énergétique d'ici 2030, selon l'Agence internationale de l'énergie.

L'argumentaire des pro-Keystone se déplace en faveur d'une hausse coûte que coûte de la production énergétique des États-Unis: «la demande mondiale augmente et il faut y répondre d'une manière ou d'une autre», souligne M. Lipow.

Une tendance au «toujours plus d'hydrocarbures» décriée par les militants écologistes.