Le moratoire sur l'uranium décrété jeudi par le gouvernement du Québec fait sentir ses premiers effets. La valeur boursière de la société Ressources Strateco, qui développe le projet le plus avancé au Québec, a presque été réduite à néant hier. Le ministre de l'Environnement, Yves-François Blanchet, a demandé au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) de se pencher sur la filière de l'uranium, ce qui prendra au moins un an. À quoi s'attendre? Tour d'horizon.

Québec: Strateco victime du moratoire

À sa première séance en Bourse depuis l'annonce du moratoire québécois sur l'uranium, le titre de Strateco s'est retrouvé au plancher, hier, plongeant de 63% (0,08¢) à 0,05$, loin du sommet de 0,47$ dans la dernière année.

Strateco songe maintenant à poursuivre le gouvernement pour récupérer les 120 millions investis dans l'exploration, voire un total de 300 millions pour compenser la valeur économique du gisement Matoush, dans les monts Otish. L'entreprise affirme pouvoir vendre le gisement, comme le projet Michelin, au Labrador, vendu à une société australienne malgré l'imposition d'un moratoire.

L'analyste David Talbot, de Dundee Capital Markets, affirme»ne pas partager le même sentiment», et croit que Strateco devrait plutôt consacrer ses efforts à obtenir compensation, comme la société Boss Power en Colombie-Britannique.

Colombie-Britannique: Une entreprise compensée

En avril 2008, le gouvernement de Colombie-Britannique a décrété un moratoire sur l'exploration et l'exploitation d'uranium, moratoire toujoursen vigueur aujourd'hui. Le gouvernement avait dit prendre cette décision pour appuyer sa politique de ne pas développer une filière d'énergie nucléaire.

Trois ans plus tard, la province a accepté de payer 30 millions à Boss Power, dont le projet de mine d'uranium avait été stoppé avec l'entrée en vigueur du moratoire.

Labrador: Les Inuits lèvent leur moratoire

En mars 2012, les Inuits du nord du Labrador ont levé un moratoire sur l'uranium instauré quatre ans plus tôt dans leur territoire (le Nunatsiavut). Entre 2008 et 2011, l'assemblée inuite a eu le temps de mettre en place un cadre de gestion du territoire et développé une meilleureréglementation environnementale. Dans l'intervalle, le producteur australienPaladin Energy a acheté la société d'exploration Aurora Energy pour 260 millions. Aurora avait commencé à travailler en 2006 sur le projet d'uranium Michelin mais avait dû cesser ses travaux en 2008.

Les gisementsdu projet Michelin renferment 83 millions de livres d'uranium en ressources mesurées et indiquées. C'est près de trois fois plus que Strateco, mais les teneurs sont beaucoup plus faibles.

Virginie: Un moratoire qui tient le coup

Après plusieurs années de débat, la Virginie a choisi au début de l'année de maintenir son moratoire sur l'uranium, instauré en 1982. La société Virginia Uranium veut y exploiter un gisement dont la valeur dépasse les 5 milliards de dollars, aux prix actuels, ce qui en fait le plus important gisement non développé aux États-Unis.

Le sénateur virginien qui parrainait un projet de loi pour lever le moratoire a toutefois retiré sa proposition au début de l'année, incapable de convaincre un nombre suffisant de parlementaires de l'appuyer. Les opposants ont crié victoire, mais le débat pourrait reprendre.

En décembre 2011, un rapport du l'Académie nationale des sciences affirmait que l'exploitation était possible, mais qu'une levée du moratoire virginien s'accompagnerait d'obstacles imposants à surmonter, en matière de réglementation, d'information et de consultation. Le gisement de Coles Hill est l'un des plus importants au monde et est au moins quatre fois plus important que celui de Strateco, au Québec.

Saskatchewan: Le grand producteur qui en veut plus

Déjà l'un des plus grands producteurs d'uranium de la planète, la Saskatchewan a remodelé son régime de redevances pour favoriser le développement de nouvelles mines d'uranium. La province remplace ainsi un régime qu'elle considérait comme une barrière à l'investissement. La nouvelle formule ferait passer le taux de redevances à un équivalent de 7 à 8% des revenus, contre 10 à 12% auparavant, d'après les estimations d'EdSterck, de BMO Marchés des capitaux.

Concrètement, la province a un régimede redevances hybride, basé à la fois sur la valeur de la production (taux de 5%) et des profits. Dans son budget déposé le 22 mars, la province a décidé que le volet progressif sur les profits sera désormais basé sur les coûtsréels des entreprises, plutôt que sur une estimation fixe des coûts.

Celapermettra de diminuer le risque des projets, soutient le gouvernement. La Saskatchewan a produit 17% de l'uranium mondial en 2011.