Déception sur la Côte-Nord: Gaz Métro reporte à une date indéterminée la construction d'un gazoduc du Saguenay jusqu'à Baie-Comeau, Port-Cartier et Sept-Îles, un projet annoncé dans le cadre du Plan Nord.

Gaz Métro n'a pas pu s'assurer un volume de consommation suffisant pour justifier le projet dont la facture s'élevait maintenant à près de 1 milliard, par rapport aux 750 millions annoncés l'an dernier.

C'est surtout la baisse de vigueur du marché du fer qui explique la décision de Gaz Métro. ArcelorMittal a suspendu son projet de construire une deuxième usine de bouletage à Port-Cartier, tandis que Cliffs Natural Resources a récemment annoncé la fermeture de son usine de Sept-Îles.

Dans un commentaire qui s'est voulu annonciateur, la présidente et chef de la direction de Gaz Métro, Sophie Brochu, admettait la semaine dernière entretenir des inquiétudes quant à l'hostilité économique qui caractérise le secteur des ressources naturelles.

La mairesse de Baie-Comeau, Chistine Brisson, soutient que la transition politique au niveau provincial a sans doute contribué à la décision de Gaz Métro. «On est dans une zone grise avec le volet minier, les redevances. L'industrie est sur le break, elle attend le gouvernement», observe-t-elle.

Pas assez d'engagements

Gaz Métro voulait s'assurer une consommation de 6 milliards de pieds cubes avant d'aller de l'avant avec son projet. Tous les utilisateurs industriels de la région (incluant les alumineries) ont manifesté leur intérêt, mais le faible nombre d'engagements fermes a laissé Gaz Métro loin de sa cible, indique le directeur des relations avec les communautés pour ce projet, Pierre-Yves Boivin.

La directrice des communications de l'Aluminerie Alouette à Sept-Îles, Marie-Claude Guimond, affirme que la décision de Gaz Métro est «décevante pour son organisation et sa région». Alouette souhaitait utiliser le gaz naturel pour réduire ses coûts et ses émissions de gaz à effet de serre.

Le gaz est aussi devenu un enjeu, un incitatif à l'installation de certaines sociétés sur la Côte-Nord, de l'avis de la mairesse de Baie-Comeau.

La société Argex Titane, qui veut ouvrir une mine sur la Côte-Nord, a d'ailleurs choisi d'installer une première usine de transformation ailleurs qu'à Baie-Comeau, son premier choix, précisément en raison de l'absence de gaz naturel. «C'est important pour une région d'avoir accès au gaz», a dit hier le PDG d'Argex, Roy Bonnell. L'usine d'Argex emploiera entre 150 et 200 personnes et nécessitera un investissement de 200 millions.

Seul espoir s'il en est un, tant la mairesse Brisson que le député péquiste Marjolain Dufour se gardent d'associer le report du projet à son annulation pure et simple. «Je ne suis pas inquiet, on ne met pas de X sur le dossier», assure le député de la circonscription de René-Lévesque, sur la Côte-Nord. Il n'a peut-être pas tort, puisque Gaz Métro mentionne qu'il demeure toujours «souhaitable» de relier ce «dernier pôle industrialo-portuaire du Québec non desservi en gaz naturel». Gaz Métro a investi 16 millions dans l'étude de faisabilité du projet.

Chez les Innus de Uashat, on a plutôt poussé un grand soupir de soulagement. «On se sent attaqués. On est sursollicités par tous ces promoteurs qui envahissent le Nitassinan (territoire traditionnel autochtone) depuis 10 ans», lance Jean-Claude Therrien-Pinette, directeur adjoint au Bureau de la protection des droits et du territoire de Uashat Mak Mani-Utenam. «On passe plus de temps avec eux qu'avec la population. C'est donc un bon timing pour engager un dialogue communautaire sur les enjeux territoriaux et environnementaux.»