Pour sauver sa raffinerie de Lévis, Ultramar ne peut pas attendre d'avoir accès à du pétrole canadien moins cher que celui qu'elle importe actuellement d'outre-mer. L'entreprise commencera à approvisionner ses installations québécoises en pétrole venu du Texas, qui est beaucoup moins cher malgré la distance à parcourir.

C'est une première, a expliqué hier le porte-parole d'Ultramar, Michel Martin. La raffinerie de Lévis devrait accueillir dans les prochaines semaines un premier cargo de pétrole tiré du gisement Eagle Ford au Texas.

Si ce brut est compatible avec les installations québécoises, l'expérience pourrait être renouvelée en attendant l'inversion du pipeline d'Enbridge qui acheminera à Montréal le pétrole de l'Ouest.

L'écart de prix entre les deux catégories de brut, qui tourne autour de 20$US, désavantage les raffineries de l'est du continent, dont plusieurs ont fermé. Au Québec, les deux seules raffineries encore en activité appuient fortement le projet d'Enbridge.

C'est une question de survie, selon le porte-parole d'Ultramar. «Les raffineries de l'Ontario ont déjà accès à du pétrole canadien, précise Michel Martin. Ça va être dangereux pour nous. On ne peut pas attendre», dit-il.

Le projet d'Enbridge, qui se heurte à l'opposition des environnementalistes au Québec, ne se réalisera pas avant le milieu de 2014, selon toute vraisemblance. L'importation de pétrole américain, même s'il est plus cher que le pétrole canadien tiré des sables bitumineux, permettra à Ultramar d'améliorer sa rentabilité dans l'intervalle.

La raffinerie de Lévis peut traiter 230 000 barils de brut par jour. Ultramar souhaite avoir accès au plus grand volume de pétrole canadien possible. En plus de l'inversion du pipeline d'Enbridge, l'entreprise s'intéresse au projet de TransCanada qui veut remplacer le gaz naturel par du pétrole dans une de ses conduites qui aboutit à Montréal. «Toutes les alternatives nous intéressent», a confirmé son porte-parole.

Hier, le brut canadien valait 71,79$US le baril, comparativement à 92,56$US pour le pétrole américain et à 109,65$US pour le Brent européen qui approvisionne actuellement les raffineries de Montréal.

Permis spécial

Valero, la société américaine propriétaire d'Ultramar, a dû obtenir un permis du gouvernement des États-Unis pour pouvoir exporter du pétrole du Texas vers le Canada, parce que le pétrole est considéré comme une ressource stratégique et son commerce est contrôlé.

Le pétrole du gisement d'Eagle Ford, produit avec les nouvelles techniques de fracturation, traversera le golfe du Mexique et remontera la côte atlantique, puis le golfe du Saint-Laurent jusqu'à Lévis. C'est un long voyage, mais la raffinerie de Lévis traite du pétrole qui vient parfois d'aussi loin que le Kazakhstan ou l'Angola.