Dimanche soir, quand la ministre des Ressources naturelles du Québec, Martine Ouellet, a prononcé un court discours devant quelques dizaines d'acteurs du secteur minier québécois réunis au chic hôtel Royal York de Toronto, elle a été accueillie par des applaudissements polis, sans plus. Elle n'a pas gagné beaucoup d'alliés quand elle a rappelé son intention de mettre aux enchères certains titres miniers («claims»), au lieu de les attribuer selon la norme du «premier arrivé, premier servi».

Le prospecteur Dominique Doucet, président de Ressources Sirios, est allé la voir tout de suite après son allocution pour lui indiquer son désaccord. «Elle est en train de détruire le meilleur système démocratique d'accès aux claims, a-t-il déclaré, visiblement irrité, à La Presse Affaires. Tout ça pour des peanuts.»

La ministre souhaite que certains titres miniers sur lesquels le Ministère effectue des travaux soient mis aux enchères. Chaque année, le Ministère dévoile à son congrès annuel de novembre des cibles d'exploration qu'elle a mises au jour, et les explorateurs font la course pour réclamer les titres correspondants sur l'internet. Il en coûte environ 50$ pour acquérir un claim sur Internet (jalonnement sur carte), et le premier arrivé est toujours le premier servi.

Martine Ouellet estime que le travail du Ministère devrait être davantage valorisé. «Il y a une valeur ajoutée sur ces claims», a-t-elle expliqué à La Presse Affaires.

Certains explorateurs sont outrés. «C'est une approche totalement régressive, dénonce Jean-Marc Lulin, président de la société qui détient le plus de claims au Québec, Exploration Azimut. Le premier arrivé, premier servi est équitable et transparent. Il a fait ses preuves.»

Le président et chef de la direction de Ressources minières Radisson, Mario Bouchard, convient que la méthode proposée par la ministre permettrait à certaines sociétés d'avoir le temps de mieux étudier les cibles travaillées par le Ministère. «Mais évidemment, ceux qui ont les meilleurs budgets auraient un meilleur accès.»

«Cela risque d'affecter les petites PME, affirme Jean-Marc Lulin, selon qui le gouvernement est en train de «rendre impossible le métier de prospecteur».

«Avec le système actuel, les grands et les petits ont les mêmes chances», ajoute-t-il.

En plus, selon les prospecteurs, le gouvernement ne toucherait pas le gros lot grâce à ses enchères. D'après eux, il récolterait davantage que les quelques dizaines de dollars qu'il touche actuellement, mais les sociétés ne paieraient pas des millions non plus.

Car même avec les travaux du Ministère, le risque d'exploration reste énorme, soutient Jean-Marc Lulin. Il ajoute que les comparaisons avec les enchères pour des titres de pétrole et gaz ne sont pas valides, car le risque d'exploration y est beaucoup moins important, selon lui.

Devant les doutes de certains explorateurs, la ministre Ouellet a indiqué à La Presse Affaires que les enchères ne s'appliqueraient qu'à un tout petit nombre de claims. «On verra ce que ça va donner», a-t-elle ajouté.

L'industrie minière mondiale est rassemblée à Toronto jusqu'à aujourd'hui dans le cadre du congrès de l'Association des explorateurs et entrepreneurs miniers du Canada.