«Qu'est-ce qui se passe avec le Québec, André, mais que se passe-t-il?» Cette interrogation, André Gaumond, président et chef de la direction de Mines Virginia, dit l'entendre de plus en plus souvent de la bouche d'investisseurs, que ce soit dans les conférences minières ou dans les tours des financiers de New York.

«C'est LA question, insiste-t-il. Il y a beaucoup d'inquiétude. Vous avez augmenté les taxes et vous voulez encore les augmenter? me demande-t-on.»

M. Gaumond, dont la société est derrière la découverte du gisement d'or de classe mondiale Éléonore, à la Baie-James, déplore la situation actuelle du régime minier québécois. Québec a promis d'augmenter les redevances, mais n'a toujours pas confirmé les modalités de la hausse. L'industrie appréhende aussi que le gouvernement présente une nouvelle version de la réforme de la Loi sur les mines, une troisième depuis la fin de 2009 - les deux précédentes n'ayant pas abouti. Et on ne sait toujours pas exactement sur quel pied danse le gouvernement en ce qui concerne l'uranium.

«Incertitude par ci, incertitude par là, ce n'est pas facile, tout ça culmine en une tempête parfaite, dit André Gaumond, en évoquant aussi le marché du financement actuellement anémique. Jamais on n'a vu autant de tumulte. C'est un grand vent de face pour nous, et c'est dommage parce que tout ça est lié à la politique.»

Ce «tumulte» trouve son écho jusque sur les vastes planchers du congrès de l'Association des prospecteurs et entrepreneurs miniers du Canada (PDAC), à Toronto, le plus grand congrès minier du monde. Là-bas, des centaines d'entreprises tentent de mettre la main sur le peu d'argent disponible dans le marché de l'exploration de base.

Les mouches et le vinaigre

«On n'attire pas les mouches avec du vinaigre», lance Gérald Riverin, président et chef de la direction de Ressources Cogitore. M. Riverin est sévère à l'endroit de la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet. «Elle sème le doute», dit-il.

Selon M. Riverin, il y a quelques années encore, les investisseurs cherchaient activement des sociétés avec des projets au Québec. «Aujourd'hui, ils ne disent pas qu'ils ne viendront pas, mais ils demandent ce qui va arriver.»

M. Riverin s'attaque toutefois à la perception - qu'il croit partagée par la ministre Ouellet - voulant que les investisseurs viendront au Québec de toute façon, parce que les gisements y sont. «Ce n'est pas vrai que les investisseurs ne peuvent pas aller ailleurs, c'est naïf de penser ça», dit-il en montrant les centaines de kiosques du congrès du PDAC, dont une très vaste majorité est occupée par des entreprises qui oeuvrent à l'extérieur du Québec.

La mémoire longue

Rick Rule, président du conseil de Sprott Global Resource Investments, ne semble pas surpris de l'attitude du gouvernement québécois en particulier. Mais cela ne l'empêche pas de porter un jugement très sévère.

«Le job d'une législature est de voler au nom de ses électeurs à ceux qui ne sont pas ses électeurs, dit-il à La Presse Affaires. Pendant 10 ans, on a parlé de la valeur de nos gisements, on a donné l'impression au gouvernement qu'on pouvait être une vache à lait.»

C'est ce qui explique selon lui cette volonté gouvernementale d'augmenter les redevances, même pour les sociétés qui sont déjà actives au Québec.

«Changer les règles du jeu?» s'interroge M. Rule. «Il y a énormément de participants dans l'industrie minière, mais il n'y a pas beaucoup de joueurs importants, avertit M. Rule. Et ceux-là ont la mémoire longue.»

Par contre, un changement pourrait avoir du sens à ses yeux s'il était accompagné d'un pacte assurant une stabilité fiscale pendant 30 ans.