Le promoteur du principal projet d'uranium au Québec s'impatiente.

Ressources Strateco entame des procédures judiciaires pour forcer le gouvernement Marois à rendre une décision sur la suite du projet Matoush, dans les monts Otish, décision attendue par la compagnie depuis près de 18 mois.

Strateco a obtenu toutes les autorisations nécessaires pour son projet d'exploration souterraine, sauf une: celle du ministère du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP).

Le ministère a en main depuis août 2011 le rapport du comité provincial d'examen (COMEX) qui a étudié le projet, et qui recommande son autorisation sous conditions.

Or, le projet Matoush, qui se trouve sur le territoire traditionnel de la nation crie de Mistissini, fait face à une féroce opposition de cette communauté et du Grand Conseil des Cris.

C'est dans ce contexte d'absence d'acceptabilité sociale que Québec doit rendre sa décision. Peu après son accession au pouvoir, le gouvernement péquiste avait lancé l'idée d'une évaluation environnementale sur l'ensemble de la filière de l'uranium. Depuis, rien de nouveau.

Selon son président et chef de la direction, Guy Hébert, Strateco a rencontré des représentants du gouvernement et du MDDEFP à plusieurs reprises dans les derniers mois, incluant la sous-ministre Diane Jean. En l'absence de décision, la société veut pousser le gouvernement à agir.

«Cela fait 18 mois qu'on attend, dit M. Hébert. Nos actionnaires sont extrêmement impatients. On a manqué la période de financement sur les marchés à l'automne et on a un financement qui est lié à l'autorisation du projet. Tout est arrêté sur la propriété alors qu'il y aurait des travaux à faire en hiver, et on a une licence de 5 ans [de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, ou CCSN] qui court.»

Strateco a déposé jeudi matin une requête à la Cour supérieure, qui, si elle est accueillie favorablement, donnera un délai maximal de 30 jours à Québec pour rendre une décision.

«On pense que la réponse ne peut être que positive», soutient Guy Hébert. Strateco a obtenu les autorisations du ministère fédéral de l'Environnement et de la CCSN pour son projet d'exploration avancé, une affaire de 70 millions qui consiste à creuser une rampe souterraine pour compléter l'évaluation du gisement. Strateco affirme avoir déjà investi 120 millions depuis 2006 dans le projet Matoush.

Un veto illégal aux Cris, avance Strateco

Dans sa requête en Cour supérieure, Strateco veut aussi faire annuler une clause du rapport du COMEX, qui pose le consentement explicite de Mistissini comme condition à l'autorisation du projet.

Strateco soutient qu'en vertu de cette clause, le gouvernement «abdiquerait l'exercice de son pouvoir discrétionnaire et conférerait à un tiers un pouvoir de décision réel quant à la réalisation du projet».

Selon Strateco, un tel droit de veto accordé aux Cris serait une «délégation illégale de pouvoir».

Bien que situé sur les lignes de trappe des Cris de Mistissini, le projet Matoush est sur des terres de la Couronne.

En vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, les Cris n'ont pas de droit de veto sur la réalisation de projets miniers sur ces territoires (terres de catégorie 3). Les traités ne prévoient qu'une obligation de consultation, pas de consentement.

La requête en mandamus et pour jugement déclaratoire déposée par Strateco appelle un processus judiciaire rapide. Les deux parties pourraient se faire entendre au tribunal le 8 février.