Que la faute soit attribuable aux bas prix du gaz naturel ou à la situation budgétaire corsée des gouvernements, l'engouement pour les énergies vertes s'est dégonflé en 2012. Les investissements annoncés par le secteur privé dans des projets verts, majoritairement des projets d'énergies alternatives, ont chuté de 75% en 2012 au Canada, selon une analyse de la firme E&B Data.

Pendant que l'argent coule par dizaines de milliards dans le secteur des hydrocarbures, la valeur des investissements verts annoncés en 2012 a été de seulement 2 milliards, contre 8 milliards en 2011 et 7 milliards en 2010, d'après la compilation d'E&B Data.

Les projets verts incluent les projets de génération d'énergie renouvelable (à l'exception de l'hydroélectricité), de fabrication de composantes pour cette industrie, de biocarburants et de réduction d'émissions de polluants et de gaz à effet de serre.

En 2011, E&B Data a recensé 10 projets de génération d'énergie alternative (éolien, solaire, biomasse) d'une valeur annoncée de plus de 100 millions. En 2012, un seul (un projet de biomasse en Ontario) dépassait ce seuil de 100 millions. En fait, le plus important projet vert annoncé au Canada en 2012, qui accapare 67% de la valeur totale, n'est pas lié à la génération d'énergie: il s'agit d'un projet de capture de carbone de Shell en Alberta.

Il y a quelques années, pourtant, l'engouement était palpable dans le secteur des énergies alternatives, observe Jean-Thomas Bernard, professeur à l'Université d'Ottawa. Il était question de politiques agressives en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et après la récession, les gouvernements ont supporté le secteur des énergies alternatives pour relancer l'économie.

Contexte moins favorable

Le contexte n'est plus aussi favorable.

Selon Pierre-Olivier Pineau, professeur agrégé à HEC Montréal, «l'absence de contrainte sur le carbone (une taxe sur le carbone ou un système de plafonds et échanges) rend difficile de valoriser les attraits environnementaux de ces énergies». Elles deviennent donc «impossibles à rentabiliser sans subvention», que ce soit des garanties de tarifs ou des incitatifs à l'investissement.

Mais «dans un contexte de crise budgétaire, les gouvernements sont moins enclins à subventionner», avance Jean Matuszewski, d'E&B Data.

L'Ontario, qui avait lancé des programmes très dynamiques de soutien à l'industrie solaire et éolienne, a appuyé sur le frein. «Tous les gouvernements encouragent les projets d'énergie alternative, mais pas à n'importe quel prix, ajoute Jean Matuszewski. Il y a de plus en plus d'esprits critiques quant à la rentabilité des projets verts.»

«Personnellement, dit Jean-Thomas Bernard, je ne vois pas un autre effort considérable des gouvernements [en matière d'énergie verte] dans un avenir rapproché, disons les cinq prochaines années.»

Il faut dire que les perspectives de marché ne sont plus aussi attrayantes. Il y a un surplus d'offres d'électricité en Amérique du Nord, mais la demande est stagnante.

La baisse du prix du gaz naturel, générée par l'arrivée en masse du gaz de schiste, fait mal aux énergies alternatives, plus coûteuses. «Dans un avenir prévisible, en Amérique du Nord, ceux qui auront besoin d'énergie vont aller vers le gaz naturel, prévoit Jean-Thomas Bernard. Tout compris, on peut produire de l'électricité pour 6 cents le kilowattheure avec le gaz naturel, contre au moins 10 cents pour l'éolien.»

«Le marché ne va pas s'effondrer»

Cela n'a pas empêché la Caisse de dépôt, plus tôt cette semaine, d'investir un demi-milliard dans Invenergy, une société qui développe des parcs éoliens en Amérique du Nord. C'est que même si la conjoncture est difficile, «le marché ne va pas s'effondrer», soutient Pierre-Olivier Pineau.

Plusieurs États américains, par exemple, se sont engagés à augmenter la part d'énergie renouvelable dans leurs approvisionnements en électricité. Des gouvernements pourraient aussi continuer à soutenir des projets d'énergies alternatives pour assurer le maintien d'usines de fabrication de pièces pour l'industrie.