Continuer d'avancer, même si c'est pour l'instant sur des chemins séparés: c'est le message que lancent la Californie et le Québec au sujet du marché du marché du carbone qui doit démarrer le 1er janvier dans les deux territoires.

À deux semaines du lancement, le Québec et la Californie n'ont toujours pas lié les marchés qu'ils veulent implanter sur leur territoire respectif. Malgré ce retard, ils démarreront quand même leurs activités de façon indépendante... en espérant les lier au printemps.

«Le marché démarre au premier janvier 2013, a confirmé à La Presse Affaires Jean-Yves Benoit, économiste au Bureau des changements climatiques du ministère du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs. Les articles de la loi sont en vigueur et ils stipulent que le système débute le 1er janvier. Il n'y a pas de retard.»

Le marché du carbone que veulent lancer le Québec et la Californie porte le nom de Western Climate Initiative. Il fixe un plafond d'émission de gaz à effet de serre aux grands pollueurs. Ceux qui le dépassent devront soit réduire leurs émissions, soit acheter des crédits sur le marché.

Selon Roger Fournier, premier directeur principal, environnement et gaz à effet de serre, chez Raymond Chabot Grant Thornton, le marché québécois serait trop petit et ne générerait pas assez de liquidités pour fonctionner en vase clos.

Le Québec et la Californie comptaient lier leurs marchés l'été dernier, mais une nouvelle loi passée en Californie a obligé les autorités locales à obtenir d'abord la permission du gouverneur de l'État, provoquant des retards. Le gouverneur Brown étudie actuellement le dossier. De nombreux opposants en Californie tentent de bloquer ou de retarder le marché du carbone à coups de poursuites judiciaires, mais le projet demeure sur les rails.

Échos mitigés

La Californie a d'ailleurs procédé le 14 novembre dernier à sa toute première mise aux enchères de crédits de carbone destinés aux entreprises, ce qui a permis de prendre le pouls du marché.

Les crédits 2013 se sont écoulés à 10,09$ US, tout près du prix plancher de 10$ US fixé par l'État. Les analystes s'attendaient à un prix autour de 12$US. En fait, la demande pour les crédits n'a atteint que le tiers de ce qui était prévu.

Roger Fournier, de Raymond Chabot Grant Thornton, se réjouit néanmoins de voir que la totalité des quelque 23 millions de crédits mis en vente a trouvé preneur.

«À mon avis, ça envoie quand même un bon signal. Ça veut dire que les entreprises considèrent que ce marché va bel et bien se mettre en place et qu'elles devront réagir», dit-il.

Très peu d'entreprises et d'individus ont acheté des crédits pour spéculer: 97% d'entre eux ont été acquis par des entreprises réglementées qui devront réduire leurs émissions.

Fait intéressant, la Banque Royale du Canada figure sur la liste des rares acheteurs à avoir acquis des crédits même si elle ne fait pas partie des grands émetteurs assujettis à la réglementation.

«Nous avons acheté des crédits de carbone à la fois pour notre propre compte et pour aider nos clients, surtout ceux réglementés, à faire de la couverture de risque», a expliqué l'institution. La Banque Royale est la seule entreprise canadienne à avoir acheté des crédits lors de l'encan. Saputo a participé à l'exercice, mais affirme n'avoir rien acheté.

Le gouvernement du Québec, qui n'a pas encore tenu une telle mise aux enchères, dit attendre que les marchés californiens et québécois soient liés avant de le faire.

«Ça devrait se faire à la fin du premier trimestre 2013 ou au début du deuxième trimestre», dit Jean-Yves Benoit, du ministère du Développement durable, Environnement, Faune et Parcs. Le ministère annoncera la mise aux enchères 60 jours avant sa tenue.

Selon Québec, le fait d'attendre de tenir l'encan n'aura pas un grand impact sur les entreprises, puisque celles-ci ont jusqu'au 1er octobre 2015 pour remettre les crédits correspondant à leur niveau de pollution au gouvernement.

«Disons qu'on parle d'un retard de trois mois avant que les marchés québécois et californiens ne soient pleinement liés, ça n'aura pas d'impact sur la capacité des entreprises de se conformer à la réglementation», dit M. Benoit.

Roger Fournier, de Raymond Chabot Grant Thornton, juge toutefois que ce retard pourrait faire grimper légèrement le prix des crédits de carbone au Québec.

Le nombre d'établissements québécois considérés comme de grands émetteurs et qui devront réduire leurs émissions à partir du 1er janvier prochain.

10,09$ US

Prix des premiers crédits vendus en Californie lors de la mise aux enchères du 14 novembre dernier.

De 1 à 2%

Diminution annuelle du nombre d'unités allouées gratuitement aux entreprises pour les amener à effectuer des réductions.

2015

Année où le secteur des transports, le plus grand émetteur de gaz à effet de serre au Québec, sera réglementé par le marché du carbone.