Essentiel pour la galvanisation de l'acier, le zinc l'est aussi pour la survie de Matagami. L'industrie doit constamment découvrir de nouveaux gisements pour maintenir le camp minier. Et nourrir l'affinerie de Salaberry-de-Valleyfield, qui doit rester compétitive même si la croissance de la demande vient de la lointaine Asie. État des lieux à l'aube des 50 ans de Matagami et de l'affinerie, en 2013.

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Sur la paroi de la fosse d'une ancienne mine à ciel ouvert, l'entrée d'un tunnel: c'est la rampe d'accès vers une autre mine, souterraine celle-là, 2,3 kilomètres plus loin. Notre véhicule, qu'on dirait sorti de l'ère soviétique, s'y engouffre, et quelques centaines de mètres plus tard, il n'y a plus d'autre lumière que celle des phares.

La mine de zinc Bracemac-McLeod, près de Matagami, démarrera autour de mai 2013. C'est la 12e mine de zinc en 50 ans dans la région. Elle prendra la relève de la mine Persévérance, qui fermera à peu près en même temps.

C'est la même histoire depuis 50 ans, quand Noranda a lancé la mine Mattagami Lake en 1963, prélude à la fondation de la ville. Outre Mattagami Lake (1963-1988) et ses 25 millions de tonnes, toutes les autres mines du camp minier comptaient moins de 5 millions de tonnes de minerai. L'industrie (aujourd'hui Xstrata, mais auparavant Noranda puis Falconbridge) doit donc constamment découvrir de nouveaux gisements pour nourrir le vieux concentrateur, toujours au coeur de l'exploitation de zinc depuis 50 ans.

«Le défi est de continuer à développer pour éviter les interruptions», ajoute Normand Champigny, président de Donner Metals, société partenaire de Xstrata depuis 2006 dans l'exploration du camp minier de Matagami.

Vital pour Matagami

«Pour garder les employés, on a commencé la construction de Bracemac plus rapidement afin d'éviter qu'il y ait un délai après la fin de Persévérance», explique le directeur général de Xstrata Zinc à Matagami, Martin Plante, qui nous fait visiter les galeries en construction de Bracemac. Xstrata et la Ville de Matagami voulaient ainsi éviter le cauchemar de 2004, quand la mine Bell-Allard a cessé ses activités sans qu'une autre mine puisse prendre la relève.

«Ce fut un choc, raconte le maire de Matagami, René Dubé. Des gens sont partis, ceux qui voulaient travailler devaient s'expatrier.»

Matagami est née des mines. Le secteur forestier a aussi contribué à son développement, mais a perdu de sa vigueur et les mines sont encore vitales aujourd'hui. En 2006, deux ans après la fermeture de Bell-Allard, Falconbridge a «donné de l'oxygène à Matagami», selon les mots du maire Dubé, en annonçant la construction de la mine Persévérance.

Le gisement était connu depuis quelques années, mais n'était pas rentable en raison des prix du zinc. Environ 60% des 250 employés de la mine lancée en 2008 demeurent à Matagami, ce qui contraste avec la nouvelle tendance des «travailleurs volants» (fly-in fly-out), qui habitent loin des régions minières.

«On sait que les gens qui habitent à Matagami demeurent plus longtemps pour la compagnie», justifie Martin Plante, originaire de Québec.

La communauté ne compte plus que 1700 habitants (contre 4500 à son sommet), mais le maire entrevoit avec optimisme l'avenir de sa ville qui fêtera ses 50 ans en 2013. Il connaît toutefois le caractère éphémère de Bracemac-McLeod, dont la durée de vie est de quatre ans seulement. «On s'en tire bien, mais il n'y a pas de folie à faire», dit le maire.

Donner Metals s'est associée Falconbridge (aujourd'hui Xstrata) en 2006 pour l'exploration d'une zone de 4700 kilomètres carrés dans le camp minier, l'équivalent de 10 fois l'île de Montréal. «Dès le deuxième trou de forage, nous avons trouvé Bracemac-McLeod», relate Normand Champigny.

Au prix d'un investissement de 159 millions, Bracemac pourra prendre la relève de Persévérance et alimenter le concentrateur quinquagénaire de Matagami. «Ce n'est pas une installation à la fine pointe, reconnaît Martin Plante, mais elle est très efficace.»

Pendant ce temps, Xstrata et Donner cherchent déjà du zinc ailleurs. Une zone en profondeur, sous le gisement McLeod, est prometteuse. Le maire René Dubé compte beaucoup là-dessus pour prouver que Matagami se bâtit sur le long terme. «Tant qu'il y a de l'exploration, il y a de l'avenir.»

À Bracemac-McLeod, des camions de 45 tonnes remontent lentement la rampe afin de sortir les roches dynamitées pour creuser les galeries de développement. Au concentrateur, où est pour l'instant traité le minerai de Persévérance, des centaines de cellules de flottation jaunes, comme une ruche d'abeilles au travail, contribuent à séparer le zinc dans un mélange d'air et d'eau. Le concentré à 57% de zinc est ensuite séché et chargé dans des wagons du CN pour être affiné à Salaberry-de-Valleyfield.

Et Matagami respire bien, à l'aube de son 50e anniversaire.

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LE MARCHÉ MONDIAL

Sources de zinc

60 % mines

40 % recyclage

Prix actuel : 0,91$ US la livre, ou 2011,50$ US la tonne

Production mondiale des mines de zinc (2011) 12,4 millions tonnes

Valeur d'environ 25 milliards

Production québécoise (2011) 189 920 tonnes

Valeur de 428 millions (mines Persévérance, Mouska et La Ronde)

Sources : US Geological Survey, International Zinc Association, Institut de la statistique du Québec