Les raffineries québécoises rêvent d'avoir accès au pétrole de l'Ouest, mais les automobilistes pestant contre les prix à la pompe ne profiteront pas d'un répit, même si des pipelines acheminent éventuellement du brut albertain chez nous.

«Ça ne va vouloir rien dire pour les consommateurs», tranche Jean-Thomas Bernard, du département de science économique de l'Université d'Ottawa.

Les raffineries québécoises alimentant nos stations-service paient leur pétrole brut plus cher que leurs concurrentes du reste du continent. En s'approvisionnant en Afrique, dans la mer du Nord ou au Kazakhstan, elles paient un prix aligné sur celui du «baril de Brent», l'indice phare des marchés internationaux. Or, cette mesure étalon se négocie au moins 20$ plus cher qu'un baril produit en Alberta.

Pourquoi une telle distorsion? Parce que la production de l'Ouest connaît une expansion fulgurante et que les États-Unis sont l'unique débouché à l'étranger. Les raffineries du Midwest sont carrément submergées de brut albertain, ce qui entraîne une baisse de prix.

«Derrière les nombreux projets de pipelines, il y a l'idée d'aller chercher le prix mondial, résume Jean-Thomas Bernard. Il faut qu'ils trouvent des moyens de sortir le pétrole.»

À défaut de rejoindre les marchés étrangers, les producteurs canadiens trouveront des clients enthousiastes au Québec, où l'industrie du raffinage traverse une période trouble. Shell a fermé son établissement de Montréal-Est en 2010, et les deux raffineries restantes souhaitent économiser des millions en s'approvisionnant dans l'Ouest.

Mais Jean-Thomas Bernard doute que cette stratégie mène à une baisse des prix à la pompe.

«Une fois que le pétrole de l'Ouest va arriver à Montréal, il va se vendre au prix mondial», prévoit-il.

Si les Québécois paient leur essence plus cher que leurs voisins, dit-il, c'est en raison des taxes plus élevées et des marges de profit des distributeurs.