Le ministre de l'Industrie Christian Paradis s'accorde un délai supplémentaire de 30 jours avant d'approuver ou de rejeter l'offre d'achat de Nexen par la société d'État chinoise China National Offshore Oil Corporation (CNOOC).

Cette transaction de 15 milliards de dollars soulève de plus en plus les passions depuis quelques semaines au pays. Le NPD s'oppose farouchement à la vente de cette entreprise de gaz naturel et de pétrole de Calgary à une société d'État chinoise, estimant que le Canada doit demeurer maître de ses ressources naturelles.

En outre, des élus conservateurs de l'Alberta, dont le ministre d'État aux Finances, Ted Menzies, ont exprimé leurs «inquiétudes» au sujet de cette offre d'achat. Et la semaine dernière, Stephen Harper a admis que cette transaction «soulève une série de difficiles questions en matière de politiques publiques».

Chose certaine, la décision que prendra le ministre Paradis d'ici 30 jours donnera le ton aux relations entre le Canada et la Chine au cours des prochaines années, au moment même où le gouvernement Harper multiplie les efforts de séduction auprès des autorités chinoises après avoir boudé Pékin durant ses premières années au pouvoir.

Les gens d'affaires, favorables à cette transaction et aux investissements étrangers au pays, craignent que ce délai supplémentaire soit le premier pas vers un refus. Si tel devait être le cas, il s'agirait de la troisième offre d'achat d'une société canadienne par une entreprise étrangère rejetée par les conservateurs depuis leur arrivée au pouvoir en 2006.

«Nous reconnaissons que le gouvernement doit s'assurer de bien étudier la proposition de CNOOC, mais il est important que la décision soit prise rapidement. Le signal que le gouvernement envoie aujourd'hui contribue à l'incertitude qui plane face à notre ouverture aux investissements étrangers», a soutenu hier Émilie Potvin, directrice des affaires publiques à la Chambre de commerce du Canada.

Elle a souligné que le Canada risque d'effaroucher les investisseurs étrangers si le gouvernement Harper devait finalement dire non à CNOOC.

«La grande question, pour le Canada, dépasse la portée de cette transaction. Il faut voir beaucoup plus loin. Réaffirmons donc notre position clairement: le Canada veut de l'investissement étranger sur son sol. Nous en avons besoin. Nous devons donc être prêts à faire preuve de fermeté, mais aussi d'équité», a-t-elle affirmé.

Le ministre Paradis a confirmé ses intentions dans un communiqué de presse hier matin, avant l'ouverture des marchés financiers. Il avait jusqu'à aujourd'hui pour rendre une décision ou pour demander un délai supplémentaire de 30 jours.

«Il n'est pas inhabituel de prolonger une période d'examen. En général, la Loi sur Investissement Canada prévoit une période initiale de 45 jours pour l'examen, mais cette période peut être prolongée de 30 jours. La période d'examen peut être prolongée de nouveau avec le consentement de l'investisseur. Une décision peut être rendue en tout temps au cours de la période d'examen», a dit M. Paradis.

«Tout le temps nécessaire sera consacré à un examen minutieux et approfondi de cette proposition d'investissement», a-t-il ajouté.

Il y a trois semaines, l'ambassadeur de la Chine au Canada, Zhang Junsai, a donné une rare entrevue au réseau CTV au cours de laquelle il a fait valoir que cette transaction pourrait être la première d'une série d'investissements importants de la Chine au Canada. Nexen représente la dixième entreprise pétrolière au Canada au chapitre des revenus.

Les actionnaires de Nexen ont approuvé par une forte majorité l'offre d'achat de CNOOC le 20 septembre. Récemment, le Service canadien de renseignement et de sécurité (SCRS) a publié un rapport qui a été vu comme une mise en garde au gouvernement canadien.

Dans ce rapport, le SCRS affirmait que la majorité des investissements étrangers au Canada étaient réalisés de manière transparente. Mais il soulignait aussi que certaines sociétés d'État ou firmes privées «entretenant des liens étroits avec leur gouvernement ont des objectifs secrets ou bénéficient de renseignements clandestins pour favoriser leurs intérêts ici».