La route des monts Otish, premier projet d'infrastructure du Plan Nord et porte d'accès vers la première mine de diamants du la province, coûtera au moins de 60% plus cher que prévu, a annoncé Québec vendredi dernier. Une série de pépins et d'imprévus sont associés à ce projet particulier dont la première moitié n'est pas encore terminée, a constaté La Presse Affaires.

Québec a confirmé en août 2011 qu'il allait prolonger la route 167 du lac Albanel, au nord de Chibougamau et Mistissini, jusqu'au projet minier de Stornoway Diamond Corporation, 243 kilomètres plus au nord. Le coût: 332 millions de dollars, dont 44 millions à la charge de la société minière. Mais tous les dépassements de coûts sont à la charge des contribuables.

Un an plus tard, le budget s'élève à 471 millions, soit presque 2 millions par kilomètre de cette route gravelée. Les travaux sont en cours sur seulement deux des quatre tronçons de la route (séparée en lots A, B, C et D, du sud vers le nord).

Après trois jours de demandes répétées, le ministère des Transports (MTQ) nous a fourni des explications en fin de journée hier par la voix de son porte-parole, Guillaume Lavoie. Un nouveau dossier d'affaires «final» pour le projet a été déposé à la fin de septembre, avec un degré de précision beaucoup plus grand que le dossier initial, selon M. Lavoie.

Le dossier final prévoit des coûts de 406 millions, plus 65 millions pour les imprévus. La veille de l'annonce du dépassement de coûts par le président du Conseil du Trésor, vendredi dernier, le MTQ nous avait pourtant confirmé qu'il n'y avait «aucun indice» de dépassement de coûts par rapport aux 332 millions.

Gravier et essence

Plusieurs pépins ont déjà marqué la construction de la route. Le président et chef de la direction de Stornoway Diamond, Matt Manson, a déclaré au journal Northern Miner que la route aurait «probablement quelques mois de retard».

L'un des accrocs concerne les bancs de gravier (bancs d'emprunt) auxquels s'approvisionnent les entrepreneurs.

Dans cette région où les lacs et rivières sont légion, il faut un permis du ministère de l'Environnement pour utiliser chaque banc situé à moins de 75 mètres des cours d'eau. «Très difficile» à respecter, convient le porte-parole du MTQ.

Une quinzaine de permis ont été délivrés jusqu'à maintenant, mais trop tardivement au goût de certains. Selon nos informations, cela cause des délais, et donc des coûts supplémentaires associés à la machinerie mobilisée dans cet endroit isolé.

Toujours selon nos sources, le lien carrossable entre le lot A et le lot B, qui devait être prêt au début de septembre, pourrait n'être disponible qu'à la fin de novembre. Il faut donc utiliser l'avion pour acheminer le carburant, la nourriture et les travailleurs jusqu'au chantier du lot B. Le MTQ n'était pas en mesure de confirmer cela hier.

Le consortium Genivar-Aecon, qui gère la construction de la route, de même que les entrepreneurs contactés par La Presse Affaires, ont retourné nos questions au MTQ.

La nature n'a pas offert toute sa collaboration non plus. Il existe une route d'hiver sur une bonne partie de la moitié sud du projet. Le temps exceptionnellement doux a rendu ce tracé impraticable beaucoup plus tôt que prévu l'hiver dernier, forçant l'envoi des réserves de carburant par avion.

Estimations déjouées

Le contrat pour le lot A a été attribué par appel d'offres pour 76 millions, davantage que l'estimation de 60 à 65 millions du MTQ. Le lot B a été attribué de gré à gré à un consortium mené par le conseil de la Nation crie de Mistissini, pour 71 millions.

En entrevue la semaine dernière, le chef de Mistissini, Richard Shecapio, a confirmé qu'il y avait des délais dans la construction du lot B en raison «de circonstances hors de notre contrôle» (permis pour les bancs d'emprunt et perte de la route d'hiver).

Le plus bas soumissionnaire pour le lot C, Excavation Marchand, a présenté une proposition de 63 millions, moins que l'estimation de 75 à 80 millions du MTQ. Le contrat n'a pas encore été accordé.

Cette proposition plus basse que prévu fait dire à Guillaume Lavoie, du MTQ, que l'estimation globale actuelle de 471 millions pour l'ensemble du projet a de bonnes chances de tenir la route.