Le Plan Nord semble bel et bien mort. L'expression est enterrée et le concept aussi, comprend-on des propos de la nouvelle ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet. Dans une entrevue à La Presse Affaires, Mme Ouellet a porté un jugement sans appel sur le projet de Jean Charest qu'elle juge trop favorable aux sociétés minières.

«Le développement du Nord est lié au prix des métaux et n'a rien à voir avec ce que les libéraux ont appelé le Plan Nord, affirme-t-elle. C'est du marketing. Ils ont pris des projets existants, et ils les ont mis ensemble. C'était des projets qu'on voyait venir, mais [les promoteurs] attendaient le bon prix.»

Bref, Plan Nord ou pas, les investisseurs et les sociétés minières auraient été et seront au rendez-vous, selon la ministre.

Le Plan Nord prévoyait une trentaine de milliards en investissements privés, surtout miniers, quelques milliards du gouvernement pour les infrastructures et 47 milliards en projets énergétiques d'Hydro-Québec. Même ce volet énergétique, «c'était pour les mines», soutient Mme Ouellet. «Le Plan Nord, c'était des infrastructures, des mines et de l'énergie pour les minières», résume-t-elle.

Il y avait aussi un volet social associé au Plan Nord, mais «c'était des budgets très, très légers par rapport aux besoins», tranche la ministre.

Le nouveau gouvernement entend poursuivre le développement nordique, «mais pas n'importe comment», insiste-t-elle. Un organisme de coordination, comme devait l'être la Société du Plan Nord, est dans les cartons. Et «on veut d'abord que ça profite à l'ensemble de la collectivité, pas seulement aux minières privées».

Cela passe par une hausse des redevances minières, un engagement du Parti québécois décrié par l'industrie et les deux principaux partis de l'opposition. La ministre se veut rassurante. «On a l'intention de modifier le régime de redevances en collaboration avec les entreprises et le milieu des affaires. Nous sommes très ouverts aux discussions pour connaître leurs contraintes et leurs inquiétudes.»

La ministre invoque toutefois «une certaine urgence» pour agir rapidement les prix sont élevés et le développement bat son plein.

Gaz de schiste

L'étude environnementale stratégique en cours sur l'industrie du gaz de schiste doit être achevée, croit Martine Ouellet, même si les chances que cette industrie se développe au Québec sont minces, s'il n'en tient qu'à elle.

«Il y a des études en cours et comme il s'agit d'une filière énergétique relativement récente, c'est important de les finaliser, a-t-elle dit. Je pense que c'est quand même important de documenter l'ensemble de la filière.»

Elle estime que le Québec peut mettre une croix sur le développement du gaz de schiste parce qu'il a d'autres sources d'énergie.

Le gaz naturel fera partie du portefeuille énergétique du Québec pendant encore longtemps, convient-elle, mais sa part diminuera. «Nous, on pense qu'on peut le diminuer de façon importante dans les procédés industriels et dans les consommations domestique et commerciale.»

La ministre est plus ouverte au développement des ressources pétrolières. «Le pétrole c'est différent. La position du gouvernement sur le pétrole, c'est oui, mais pas n'importe comment.»

La ministre veut demander au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) un portrait complet du potentiel pétrolier. «À la suite de ces études-là, on aura un choix de société à faire.»

Le BAPE est tout à fait capable de faire ce genre d'études sur le pétrole ou le gaz de schiste, soutient la ministre. Elle s'est dite surprise d'avoir entendu des représentants de l'organisme dire qu'ils n'avaient pas le mandat de faire des études d'impact.

Le BAPE a déjà fait des études sur l'eau, la gestion des déchets et l'industrie porcine, a-t-elle rappelé. «Les mandats sont donnés par le gouvernement.»

Uranium

L'uranium pourrait aussi faire l'objet d'un BAPE générique sur toute la filière. «C'est une avenue que nous allons étudier très sérieusement avec mon collègue de l'Environnement», dit Martine Ouellet. Selon elle, la radiation est une complexité supplémentaire par rapport aux autres minerais, et un BAPE «sera nécessaire avant que toute décision se prenne». En 2009, le Parti québécois avait demandé un moratoire sur l'activité minière liée à l'uranium.

Le projet d'uranium le plus avancé au Québec, au nord de Chibougamau et Mistissini, est dans l'incertitude. La société Strateco veut construire une rampe d'exploration souterraine, mais elle fait face à l'opposition manifeste des Cris. Québec aura bientôt à décider si elle autorise Strateco à aller de l'avant.