Un «sautage particulier», ce sont les termes utilisés par la compagnie minière Osisko pour annoncer un dynamitage de 940 000 tonnes sur le site de la mine à ciel ouvert de Malartic, en Abitibi.

À la mi-septembre, Osisko a fait parvenir une note par la poste à chaque résidant de la municipalité pour les aviser que des déflagrations plus importantes et surtout plus longues que celles auxquelles ils sont habitués auront lieu «dans les prochains jours». La séquence, selon les projections de l'entreprise, s'étendra sur 37 secondes. La durée de dynamitage habituelle à Malartic est de quatre à six secondes.

La minière justifie ce dynamitage de 940 000 tonnes par le principe de précaution, afin d'assurer la sécurité des travailleurs. Cette séquence d'explosions est planifiée depuis des mois et a fait l'objet de modélisation ainsi que d'évaluations diverses, selon l'entreprise.

Et ce lourd tonnage ne sera pas forcément unique. La mine d'or de Malartic est aménagée en milieu urbain et le gisement aurifère sera exploité pendant encore 16 ans.

Il y aura deux séquences, une de 22 secondes suivie quelques instants plus tard d'une autre de 15 secondes, le tout pour tenir compte de l'héritage minier de Malartic, composé d'anciennes mines avec des galeries souterraines.

Hélène Thibault, directrice des communications chez Osisko, assure que toutes les normes imposées dans le décret seront respectées, même si certains citoyens se montrent sceptiques.

«Nous avons avisé les résidants pour éviter qu'ils fassent le saut, mais nous avons fait des essais et des simulations afin de respecter les nombres de vibrations et de surpression», assure la porte-parole d'Osisko.

Le «sautage particulier» a toutefois été reporté aux prochaines semaines, le temps de réaliser de nouvelles analyses. La minière devra également tenir compte de paramètres météorologiques avant de procéder.

«C'est un chantier spécial. Nous sommes au-dessus de trois chantiers, ouverts, qui communiquent entre eux. Pour la sécurité de nos employés, il faut le faire d'un coup, pour éviter tout effondrement du sol», précise Mme Thibault.

Les charges seront donc placées et sauteront de manière conjointe, pendant que les travailleurs seront aux abris.

Malgré ces garanties, le Comité vigilance Malartic demeure inquiet. Créé ans la foulée de l'arrivée d'Osisko, alors que se jouait la délocalisation de 205 résidences, le comité reste toujours actif.

Ce sont d'ailleurs des membres du comité qui ont sonné l'alarme en recevant la lettre d'Osisko pour le «sautage particulier». La durée, le tonnage, la présence d'un nuage toxique sont autant d'éléments qui inquiètent les résidants.

«Il y a plusieurs conditions à mettre pour respecter les normes et s'assurer que tout le monde est sécuritaire. Depuis le début, nous sommes assujettis à des restrictions», souligne Mme Thibault.

Parmi ces restrictions, la direction des vents joue un rôle considérable. La compagnie devra attendre un vent du Nord, relativement constant, pour éviter de projeter les particules de poussière et de gaz vers le secteur de la municipalité. L'une des conditions imposées à la mine est une interdiction de  dynamiter avec un vent du Sud.

Mme Thibault affirme qu'il a fallu des mois de préparation. Des tapis ont été installés et une épaisse couche de sable a été étendue au-dessus du site de dynamitage. Les modélisations d'Osisko suggèrent que lors de l'explosion, la roche va descendre pour remplir les chantiers ouverts en dessous.

La mine a devant elle une longue période d'exploitation et pourrait avoir besoin d'autres séquences du genre.

Le décret ministériel qui a autorisé les activités d'Osisko, en 2009, a fait l'objet de consultations et audiences publiques dans le but d'évaluer les impacts du développement minier sur l'environnement et la population. Plusieurs normes ont été dictées afin de limiter ces impacts.

Déjà, trois ans plus tard, les impacts visuels de l'exploitation sont présents. Une importante fosse se creuse au fil de l'exploitation.

À terme, Osisko devra d'ailleurs corriger certaines séquelles de ses activités sur le territoire, même si d'autres effets resteront permanents. On sait déjà qu'à la fin du projet, Osisko remplira la fosse d'eau et fera en sorte de l'aménager pour des usages récréatifs. L'entreprise procédera aussi à la revégétation du parc à résidus. Mais il restera néanmoins des traces de l'histoire minière.

Osisko n'est pas la première minière à creuser le sous-sol de Malartic. La Canadian Malartic y a produit plus d'un million d'onces d'or de 1935 jusqu'à 1965. Par la suite, Barnat-Sladen et East-Malartic ont continué l'exploitation jusqu'en 1983. Ces présences successives ont d'ailleurs laissé le site dans un état très affecté par les activités minières du passé.

Dans son rapport déposé en juillet 2009, le Bureau d'audiences publiques en environnement (BAPE) reconnaissait d'ailleurs que l'histoire de Malartic a toujours été liée à l'exploitation minière.

«Cet héritage a modelé son environnement physique et a marqué la mémoire collective», écrivait le BAPE, qui ajoutait que le projet d'Osisko s'insère dans un contexte social où la confiance des citoyens est «à rebâtir».