Il a beaucoup été question d'Hydro-Québec dans cette campagne électorale et du ménage qui devrait y être fait. Mais aucun des partis n'a abordé la principale dépense inutile de la société d'État: les achats d'électricité dont elle n'a aucun besoin à des producteurs privés.

Hydro dépensera ainsi près d'un demi-milliard en 2013, soit presque autant que les 600 millions que le chef de la CAQ, François Legault, voudrait aller chercher en éliminant 4000 emplois au sein de l'entreprise.

Même si Hydro-Québec a des surplus au moins jusqu'en 2027, le volume et le coût de ces achats d'électricité augmenteront chaque année au cours des 15 à 20 prochaines années. «C'est peut-être là que devrait être le vrai ménage à Hydro-Québec», croit Charles Tanguay, le porte-parole de l'Union des consommateurs, qui estime que le débat électoral passe à côté des enjeux énergétiques du Québec.

C'est à la demande du gouvernement qu'Hydro-Québec achète de l'électricité dont elle n'a pas besoin et qu'elle ne peut même pas revendre à profit tant les prix sont déprimés sur les marchés d'exportation.

Québec veut en procédant ainsi donner un coup de pouce à des régions du Québec, comme la Gaspésie avec l'éolien, ou aider une nouvelle filière verte à se développer, comme la biomasse.

Parfois, Hydro aide carrément des entreprises privées à faire des profits ou à les augmenter, comme c'est le cas avec les petites centrales et les contrats d'achat d'électricité conclus avec les entreprises du secteur des pâtes et papier comme Kruger, Tembec et Résolu.

Produits forestiers Résolu, par exemple, encaissera 10 millions par année de la vente d'électricité générée à ses installations de Dolbeau, au Lac-Saint-Jean. La vente d'électricité à Hydro était l'une des conditions posées par l'entreprise pour rouvrir l'usine et sauver 136 emplois.

Même si les intentions sont bonnes, le coût est élevé pour Hydro-Québec. Sauver des emplois est certainement louable, convient Charles Tanguay, «mais faut voir combien nous coûtent ces emplois-là».

L'Union des consommateurs estime qu'Hydro dépensera au moins 4 milliards au cours des 10 prochaines années pour acheter à des producteurs privés de l'énergie qui viendra gonfler ses surplus. En plus de coûter cher, ces surplus nuisent aux efforts d'économie et d'efficacité énergétique, souligne Charles Tanguay. «Il faudrait qu'un des partis mette ses culottes et discute de ça», dit-il.

Dossiers épineux

L'Union des consommateurs n'est pas la seule à regretter l'absence de débat sur les vrais enjeux énergétiques. Il n'a guère été question non plus de gaz de schiste et d'énergie nucléaire au cours des dernières semaines, déplore le président de la Chambre de commerce et d'industrie du Coeur-du-Québec, Jean-Denis Girard.

L'homme d'affaires de Bécancour n'en sait pas plus long qu'avant la campagne électorale sur l'avenir de la centrale nucléaire Gentilly-2. «On a parlé amplement de sujets beaucoup moins importants», déplore-t-il.

Les libéraux de Jean Charest, qui sont derniers dans les sondages, ont répété mais pas trop fort qu'ils iraient de l'avant avec la réfection de la centrale. Les péquistes ont réitéré leur intention de fermer la seule centrale nucléaire du Québec tandis les caquistes ne se sont pas vraiment mouillés à ce sujet.

«C'est une patate chaude que la CAQ n'a pas voulu toucher», dit Jean-Denis Girard.

La centrale nucléaire n'est pas le seul dossier délicat que les partis politiques ont tenté d'ignorer pendant cette campagne qui s'achève. Tout ce qui a trait au gaz de schiste et aux hydrocarbures en général a été soigneusement contourné par les politiciens.

Tous les partis veulent par contre l'indépendance énergétique et une réduction de la part du pétrole dans le bilan québécois. «Ce qui est très noble, estime Dave Pepin, vice-président de Junex, mais qui ne nous en dit pas beaucoup sur comment on peut y arriver».

Les hydrocarbures représentent la moitié de notre bilan énergétique, souligne-t-il. «Ce n'est pas demain la veille qu'on se débarrassera du pétrole, il faudra probablement plusieurs décennies».

En attendant, on fait quoi? La question n'a pas été abordée, et le parti de Pauline Marois, qui était revenue très enthousiaste d'un voyage au royaume pétrolier de Norvège, ne parle même plus d'hydrocarbures.

Le porte-parole de Junex croit pour sa part que les ressources du Québec en pétrole et en gaz devraient, dans l'intervalle, être exploitées «au bénéfice de toute la communauté».