Pas question d'empêcher les entreprises de chercher du pétrole dans l'île d'Anticosti. Le ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Clément Gignac, a catégoriquement fermé la porte, hier, à tout moratoire sur l'exploration pétrolière et gazière dans l'île.

«On a fait le choix d'acquisition de connaissances, et non de gel ou de moratoire», a affirmé le ministre à La Presse.

«Il faut en avoir le coeur net: qu'y a-t-il dans le sous-sol de l'île d'Anticosti? Est-ce que ce sont les milliards qu'on prétend? Est-ce que les ressources peuvent être exploitées? Les décisions pourront être prises lorsqu'on aura les informations.»

Le ministre Gignac réagissait à une pétition mise en ligne la veille et qui réclame l'arrêt de l'exploration pétrolière et gazière à Anticosti. Hier en début de soirée, la pétition lancée par Marie-Hélène Parent, artiste militante aussi à l'origine de la pétition contre le gaz de schiste, avait recueilli près de 7000 signatures.

«L'île d'Anticosti est un trésor et on veut que tous les partis politiques se posent des questions sur ce dossier», a expliqué hier Mme Parent.

Le sous-sol de l'île d'Anticosti fait saliver bien des gens depuis qu'on a découvert qu'il renferme d'importantes quantités de pétrole. Malgré tout ce qu'on entend sur le sujet, les travaux d'exploration n'en sont qu'au stade préliminaire, et rien ne dit qu'il sera un jour possible d'exploiter le pétrole.

Deux entreprises font actuellement des travaux d'exploration dans l'île d'Anticosti: les québécoises Pétrolia et Junex. Ensemble, elles ont acquis des titres miniers qui couvrent pratiquement l'ensemble de l'île. Elles se sont vigoureusement opposées à un moratoire, hier.

«On demande un moratoire sur un projet qui n'existe pas encore. Avant de partir en guerre, il faudrait démontrer exactement ce qu'il y a dans l'île, et savoir si on peut l'exploiter ou non», affirme André Proulx, président de Pétrolia.

«Il y a déjà de facto un moratoire sur la fracturation hydraulique. Sur quelle base réclame-t-on maintenant un moratoire sur de l'exploration conventionnelle, qui se fait au Québec depuis des décennies, y compris dans l'île d'Anticosti?», demande Dave Pépin, vice-président aux affaires corporatives et chef des finances de Junex.

Des études préliminaires montrent que Pétrolia pourrait être assise sur quelque 31 milliards de barils de pétrole à Anticosti, contre 12,2 pour Junex. Impossible cependant d'affirmer qu'au prix actuel du baril de pétrole, leurs ressources vaudraient 3000 milliards de dollars ou plus. Dans le cas de projets semblables aux États-Unis, seulement de 5 à 10% du pétrole s'est avéré possible à extraire.

Afin d'en savoir plus, Junex a lancé il y a deux semaines une campagne de levées sismiques, qui consiste essentiellement à envoyer des ondes dans le sol pour en connaître sa composition. Le procédé comprend du dynamitage et l'utilisation de «camions vibrateurs» pour l'émission des ondes. Junex a également déboisé un couloir de 150 km sur 3 mètres. Cette campagne a mis le feu aux poudres chez les écologistes.

Le ministre Clément Gignac affirme toutefois avoir vérifié la conformité environnementale et l'acceptabilité sociale du projet avant d'accorder les permis.

Il faut savoir que le débat sur le gaz de schiste a considérablement resserré la réglementation entourant l'exploration pétrolière et gazière au Québec. Comme le fameux gaz de schiste, le pétrole de l'île d'Anticosti se trouve majoritairement dans un schiste. Une entreprise qui voudrait y forer devrait obtenir un certificat d'autorisation du gouvernement, même si elle n'utilise pas la fameuse technique de «fracturation», qui consiste à injecter des produits dans les puits pour en faire sortir le pétrole.

Même si Pétrolia a déjà fait par le passé trois forages dans l'île d'Anticosti, elle ne planifie aucun forage à court terme - Junex non plus, d'ailleurs. Québec confirme n'avoir reçu aucune demande en ce sens.

En entrevue à La Presse, le ministre Gignac a assuré qu'il n'autorisera aucun forage impliquant la fracturation avant que l'évaluation environnementale stratégique sur le gaz de schiste ne soit terminée, probablement l'an prochain.

«Le forage traditionnel pourrait être autorisé, mais il serait balisé de façon très serrée. Si c'est une demande de forage avec fracturation, elle ne sera pas autorisée, parole du ministre des Ressources naturelles», a confirmé M. Gignac.