Il y a quatre ans, en juillet 2008, le prix du pétrole a atteint un record historique, à 148$US le baril, et le choc a conduit plusieurs entreprises à envisager des moyens de réduire leur consommation d'or noir. L'entreprise de camionnage Transport Robert, de Bouchervillle, est l'une d'entre elles. La motivation était là: le carburant est la plus importante dépense du transporteur, avant les salaires.

Ses 1200 camions dévorent 48 millions de litres de diesel par année, précise Jean-Robert Lessard, porte-parole de la compagnie. Grâce à un partenariat avec le distributeur Gaz Métro, qui fournira le ravitaillement dans le corridor routier entre Québec et Toronto, et à une aide fiscale du gouvernement du Québec, Transport Robert a pu entreprendre de convertir une partie de sa flotte au gaz naturel.

L'entreprise a commandé 200 camions qui carburent au gaz naturel liquéfié et en a déjà reçu 75. Chacun coûte 80 000$ de plus qu'un camion au diesel. «Il faut avoir l'argent et il faut y croire», dit Jean-Robert Lessard.

Depuis 2008, le prix du brut a eu le temps de s'effondrer, jusqu'à 32$ US le baril de West Texas Intermediate, et de remonter en zigzag. Il s'échange ces jours-ci autour de 90$ US le baril, encore loin des sommets atteints en 2008.

La baisse des prix n'a pas ébranlé la résolution de Transport Robert de réduire sa dépendance au pétrole. «Il y a un avantage environnemental (dans la conversion), souligne le porte-parole de l'entreprise. On a cogité pendant trois ans avant de se lancer. On veut être en avant de la parade».

Le gaz naturel a aussi un important avantage économique, en plus de son prix plus bas. Le prix du gaz est plus stable parce qu'il ne fluctue pas autant que celui du pétrole. «Les tensions géopolitiques n'existent pas dans le marché du gaz», explique Jean-Robert Lessard.

Le dernier bastion

Le transport est le secteur de l'économie le plus dépendant du pétrole. Dans le monde, 92% des véhicules roulent grâce au brut et à ses dérivés. Malgré l'abondance de gaz naturel pas cher en Amérique du Nord, les choses ne sont pas près de changer.

Il y a d'abord le coût plus élevé des véhicules au gaz naturel, qui est un obstacle à la conversion, selon l'analyste Pierre Fournier de la Financière Banque Nationale. L'absence d'infrastructure de ravitaillement est un autre problème. «Les États-Unis ont moins de 2000 postes de ravitaillement en gaz, contre 120 000 stations d'essence», note l'analyste. C'est ce qui limite la percée du gaz naturel dans les transports individuels. Les avantages de la conversion sont plus immédiats et plus importants pour le transport par autobus et par camion.

Les entreprises qui ont fait le pas se comptent toutefois sur les doigts d'une main. Comme Transport Robert, l'entreprise américaine de ramassage des déchets Waste Management a entrepris de convertir sa flotte de camions. Elle pense pouvoir réduire de 27 000$ US par année sa facture de carburant, même si chaque camion au gaz naturel lui coûte 30 000$US de plus qu'un véhicule conventionnel.

Au Québec, les futurs traversiers entre Baie-Comeau et Matane seront propulsés au gaz naturel, ce qui permettra peut-être une percée du gaz naturel vers les chantiers miniers de la Côte-Nord. Malgré l'abondance des réserves au Canada et aux États-Unis, il ne faudrait toutefois pas penser que le gaz naturel va remplacer le diesel, estime Jean-Robert Lessard. «Il ne faut pas rêver en couleurs. L'avenir du transport va être un mix de gaz naturel, d'électricité et de diesel.»