En payant la grande majorité des coûts de construction de la route qui mènera au projet minier Renard (288 millions sur 332), Québec prend une trop large part du risque dans le projet diamantifère de Stornoway, selon le groupe environnementaliste Nature Québec. Dans un mémoire déposé à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale (ACEE), l'organisme soutient que Stornoway aurait les moyens de payer tous les coûts pour la route.

> Le mémoire de Nature Québec

Nature Québec estime que Stornoway aurait même eu les moyens de payer les coûts pour une ligne électrique. La semaine dernière, la société minière a rejeté le projet de raccordement au réseau d'Hydro-Québec, pour lequel il lui aurait fallu débourser 174 millions pour une ligne électrique de 160 kilomètres.

Pour arriver à la conclusion que Stornoway aurait pu payer les infrastructures, Nature Québec prend pour acquis que la durée de vie de la mine s'étendra sur 20 ans, pour l'extraction de 30 millions de carats. Pour l'instant, les réserves de Stornoway, c'est-à-dire la quantité de minerai dont la société a prouvé la rentabilité, permettent de prévoir une durée de vie de 11 ans, pour 18 millions de carats. Toutefois, sur la base des ressources déjà découvertes, Stornoway espère pouvoir augmenter la durée de vie de la mine à au moins 20 ans. L'étude d'impact environnemental et social de Stornoway utilise d'ailleurs cet horizon de temps. Nature Québec concède néanmoins que la possibilité d'exploiter le bloc de 12 millions de carats supplémentaires «demeure hautement spéculative à ce stade».

Patrick Godin et Ghislain Poirier, respectivement chef de l'exploitation et vice-président aux affaires publiques de Stornoway, ont expliqué à La Presse Affaires qu'il aurait été impossible pour la société de trouver un financement de 174 millions pour la construction de la ligne électrique. Les banques regardent les réserves quand vient le temps de prendre une décision, et non pas les ressources dont l'exploitation rentable n'a pas été prouvée, ont-ils précisé. Stornoway affirme qu'elle reconsidérera le raccordement au réseau d'Hydro-Québec après le démarrage de la mine. La société commencera également à payer sa part de 44 millions pour le prolongement de la route 167 après le début de l'exploitation.

De façon générale, Nature Québec «s'interroge» sur la participation de l'État québécois (Investissement Québec détient 35 % des actions) à ce projet minier «relativement risqué», comparativement à d'autres projets québécois. Nature Québec estime que le taux de rendement de 14,9 %, pour un retour sur investissement de près de cinq ans, est «relativement faible».

Impacts de l'ouverture du territoire

Tout en soulignant que «Stornoway fait des efforts louables pour minimiser les impacts environnementaux de son projet à l'échelle locale», Nature Québec identifie certains risques environnementaux, notamment quant à la contamination des eaux souterraines ou aux impacts sur le caribou forestier.

Nature Québec craint les impacts cumulatifs de l'ouverture du territoire qu'occasionnera le prolongement de la route 167 du lac Témiscamie jusqu'au projet Renard, 350 kilomètres plus au nord. La nouvelle route favorisera le développement d'autres projets industriels et facilitera l'accès au territoire pour des chasseurs et pêcheurs du sud.

Pour mieux cerner les impacts, puis les mitiger, Nature Québec suggère la tenue d'une évaluation environnementale stratégique sur cette question - le même processus que celui en cours pour les gaz de schiste. Selon l'auteur du rapport, Ugo Lapointe, cela pourrait se faire sans arrêter la construction de la route ou le développement du projet Renard.

Parmi les autres recommandations de Nature Québec, notons la mise en place d'un comité de suivi indépendant pour le projet Renard, l'augmentation de la garantie financière prévue par Stornoway et la mise en place d'un plan de compensation pour l'émission des gaz à effet de serre.

Le mémoire de Nature Québec a été écrit dans le cadre de l'évaluation environnementale du projet Renard par l'ACEE. L'Agence a tenu des audiences publiques à Chibougamau et Mistissini au début du mois de juin. L'auteur du mémoire est Ugo Lapointe, qui agit à titre de consultant, mais qui est par ailleurs porte-parole de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine.