La multiplication des superprojets industriels au Canada, particulièrement dans les ressources naturelles, devrait offrir aux gouvernements une meilleure position de négociation pour exiger davantage de transformation locale, estime la firme de recherche d'E&B Data.

Dans une étude dont La Presse Affaires a obtenu copie, E&B Data recense projets d'investissement privé d'une valeur de 1 milliard de dollars ou plus au Canada (secteurs des ressources naturelles et manufacturier), pour une valeur totale de 310 milliards.

Avec ses sables bitumineux, l'Alberta accapare la part du lion avec 38 projets annoncés, d'une valeur combinée de 129 milliards (42% du total canadien). Le Québec est second, avec une valeur de 36,5 milliards (11,7%) répartis entre 15 projets, tous dans le secteur minier ou de l'aluminium.

D'ailleurs, note E&B Data, 60% des investissements industriels du Québec en 2012 seront concentrés dans le secteur minier ou de la première transformation (comme l'aluminium), un sommet des deux dernières décennies.

«Un des défis du Québec sera d'augmenter les retombées économiques des mégaprojets en encourageant le développement et la croissance d'une industrie de deuxième transformation», souligne la firme montréalaise.

«Le parent pauvre»

Car la transformation locale reste «le parent pauvre» de l'investissement industriel privé. La transformation est souvent effectuée dans des endroits plus près des grands marchés émergents. Or, voilà quelque chose qui pourrait être appelé à changer, avance E&B Data. Les activités de transformation pourraient désormais se rapprocher des ressources au lieu des marchés.

Selon E&B Data, il pourrait y avoir dans certaines régions une saturation des mégaprojets d'exploitation de ressources, «dans la mesure où les investisseurs devront parfois se faire concurrence pour l'accès au soutien des administrations publiques (blocs d'énergie, permis). [Celles-ci] auront davantage de pouvoir de négociation quant aux différents projets qui leur sont soumis».

«C'est un marché d'acheteurs pour les projets industriels, résume le président d'E&B Data, Jean Matuszewski. Les projets sont nombreux et il en arrive encore. Le gouvernement est en position pour choisir ce qui l'avantage.» Les gouvernements auraient une plus grande marge de manoeuvre pour exiger une transformation locale. Il faut néanmoins rester prudent dans les négociations, précise M. Matuszewski.

Et si l'idée de la transformation est souhaitable, il ne faut pas négliger l'importance des dépenses locales dans les retombées d'un projet, soutient Jean Matuszewski. La transformation dans de grandes usines est certes visible et spectaculaire, mais ce n'est que la pointe de l'iceberg, illustre-t-il. En amont d'un projet minier, par exemple, se trouve toute une série de fournisseurs locaux qui se forgent une expertise qu'ils pourront mettre à profit ailleurs et au-delà de la durée de vie d'une mine.

L'étude d'E&B Data (La ruée vers le nord: les mégaprojets d'investissement industriel au Canada) exclut les projets énergétiques et les projets d'infrastructures effectués par le secteur public. Elle tient seulement compte des investissements en capital pour lancer les projets, et non pas des investissements continus pendant la phase d'exploitation.