Le combat autour de l'uranium québécois entre dans un nouvel engagement cette semaine. La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) tient des audiences publiques à Mistissini et Chibougamau sur le projet d'exploration avancée de Ressources Strateco (T.RSC), et les opposants seront nombreux à s'y faire entendre.

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«Ce sera très rock'n'roll à Mistissini, a lancé à ses actionnaires le président et chef de la direction de Strateco, Guy Hébert, lors de l'assemblée annuelle la semaine dernière à Montréal. On va apporter deux ou trois chemises de rechange.»

Strateco demande un permis pour creuser une rampe d'exploration souterraine au projet d'uranium Matoush, le plus avancé au Québec. Le tribunal de la CCSN doit déterminer dans les 30 jours suivant les audiences s'il accorde le permis ou non.

La CCSN a reçu 89 mémoires, en excluant celui écrit par le personnel de la Commission et celui de Strateco. Du nombre, environ 70 marquent des objections au projet Matoush, incluant une cinquantaine de la part de citoyens de Mistissini.

Des quelque 50 personnes ou groupes qui interviendront oralement lors des audiences dans les deux communautés, au moins 36 sont contre le projet (dont 35 sur 39 à Mistissini).

Voilà pourquoi Guy Hébert anticipe «deux jours difficiles» pour Strateco à Mistissini.

En novembre 2010, dans une précédente série d'audiences, le projet Matoush avait été attaqué de toutes parts à Mistissini, culminant avec l'opposition claire du conseil de la nation crie de Mistissini.

Cette semaine, le conseil viendra rappeler qu'il est contre le développement minier uranifère sur son territoire et que l'acceptabilité sociale n'est pas au rendez-vous, malgré l'entente de communication et d'information signée avec Strateco à la fin de 2011.

Le Grand Conseil des Cris soutiendra quant à lui que même si les risques environnementaux sont faibles, comme le soutient le personnel de la CCSN, les Cris craignent néanmoins d'éventuels impacts sur le milieu. Ce manque de confiance suffira à changer leur comportement et leur relation avec le territoire, avance dans son mémoire le Grand Chef adjoint, Ashley Iserhoff.

Le Jeune Conseil de Mistissini soumettra à la CCSN les résultats d'un sondage tenu en avril et en mai auprès de 382 membres de la communauté âgés de 13 à 29 ans. Environ 83% d'entre eux affirment qu'une mine d'uranium ne serait pas bonne pour la nation crie de Mistissini et 72% demandent le bannissement de l'activité minière dans le secteur de l'uranium.

InnuPower, Sept-Îles sans uranium, et le jeune chef Shawn Iserhoff présenteront une analyse très critique de la demande de permis de Strateco, effectuée par Paul Robinson, chercheur d'un groupe du Nouveau-Mexique (Southwest Research and Information Center) qui offre des services aux communautés aux prises avec des projets d'uranium.

Des organisations anti-uranium ou anti-nucléaire d'autres régions (Minganie, Hautes-Laurentides, Mauricie), de même que Mines Alerte Canada et la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, s'exprimeront contre le projet.

La Dre Isabelle Gingras, tête d'affiche des médecins qui avaient menacé de démissionner pour protester contre un projet à Sept-Îles, voudra mettre en lumière les incertitudes scientifiques autour de l'exploitation de l'uranium.

Le député néo-démocrate de Manicouagan, Jonathan Genest-Jourdain, indiquera que les Autochtones n'ont pas approuvé le projet et que la CCSN doit, à son avis, «préserver l'honneur canadien». Matoush n'est pas dans la circonscription de Manicouagan, mais le député est porte-parole adjoint de l'opposition officielle en matière d'affaires autochtones. L'adjoint du député, Marc Fafard, est porte-parole de Sept-Îles sans uranium.

Une quinzaine d'appuis

Une quinzaine de mémoires reçus par la CCSN soutiennent le projet Matoush, dont ceux de la Conférence régionale des élus de la Baie-James, de la chambre de commerce de Chibougamau et de quelques citoyens. Tous les mémoires sont disponibles sur demande auprès de la CCSN, qui diffusera aussi les audiences en direct sur l'internet.

Le ministre fédéral de l'Environnement a déjà donné son accord au projet d'exploration avancée de Strateco. Si le tribunal de la CCSN approuve l'émission du permis, il ne restera qu'à la sous-ministre de l'Environnement du Québec à donner son aval. Par la suite, si le projet d'exploration avancée était concluant, Strateco devrait demander un autre permis, assorti d'une nouvelle série d'audiences publiques, pour construire une mine.

Les audiences auront lieu demain et mercredi à Mistissini, et jeudi à Chibougamau. La semaine sera extrêmement chargée puisque les audiences publiques fédérales sur l'étude d'impact environnemental du projet de diamant de Stornoway, se tiendront demain à Chibougamau et les deux jours suivants à Mistissini.