Dans le nord-ouest de l'Argentine, un village d'irrésistibles montagnards s'oppose à un projet de mine d'or à ciel ouvert, dont les premiers travaux ont été confiés à la société Osisko, établie à Montréal.

Accroché à la cordillère des Andes, le village de Famatina et ses 4000 âmes semblent couler des jours paisibles. Sur la place centrale, face à l'église fraîchement repeinte, enfants et retraités prennent l'ombre des platanes. Pourtant, la colère gronde dans les ruelles de cette bourgade de la Rioja, province du nord-ouest argentin.

Depuis des mois, ses habitants mènent une résistance acharnée contre un projet de mine d'or à ciel ouvert, dont les travaux ont été confiés à la société Osisko Mining Corporation, située à Montréal, également à la tête du projet de mine d'or de Malartic.

Ce que redoutent ces habitants, c'est l'utilisation et la pollution de leur source d'eau, qui dévale du mont General Belgrano, où la mine pourrait être creusée, à moins de 20 km du village. «Les mines pompent beaucoup d'eau. Or cette source est la seule qui alimente nos enfants et les agriculteurs de la vallée», martèle Carolina Suffich, enseignante de 37 ans, à la tête d'un défilé organisé à l'occasion de l'anniversaire de la ville.

Juste avant l'entrée en vigueur de l'accord, signé entre la province et Osisko, le 2 janvier dernier, des villageois ont élevé un barrage sur la route qui mène à la mine, à 2000 m d'altitude. Depuis, ils s'y relaient jour et nuit, pour empêcher Osisko de monter. «Nous sommes prêts à y passer l'hiver [austral]», prévient Eugenio, retraité de 74 ans, devant un abri de fortune.

Les manifestations se propagent aussi à d'autres provinces, jusque devant l'ambassade du Canada à Buenos Aires. Des artistes ont enregistré une chanson pour Famatina. Et, en ce jour d'anniversaire, des sénateurs et députés de l'opposition ont même fait le déplacement pour annoncer l'ouverture au Congrès d'un débat sur les mines, qui prend peu à peu une dimension nationale.

Comment expliquer une telle mobilisation? «Ce projet a été signé sans consultation publique comme cela aurait dû être le cas, alors que la majorité des habitants y sont opposés. Ils ont le sentiment que leur souveraineté a été bafouée», analyse le curé de Famatina, Omar Quintero, rallié à la cause des habitants, tout comme l'intendant du village. S'ajoute une défiance très forte envers les autorités. «Des mines propres, cela existe peut-être dans les pays riches, mais ici la corruption est trop forte», lâche Carolina Suffich. Les habitants doutent aussi de l'intérêt pour eux d'un tel projet. «Les taxes sur les revenus miniers sont assez faibles et vont plus à l'État qu'aux provinces. Les postes de travail créés ne dureront que quelques années, alors que nos montagnes vont être longtemps dégradées», fait valoir Eugenio.

Résultat, devant cette levée de boucliers, les travaux ont été provisoirement suspendus. À la signature de l'accord, Osisko a évoqué dans un communiqué un «projet idéal pour percer dans l'une des meilleures juridictions minières de l'Amérique du Sud». Aujourd'hui, elle tempère et souligne que le projet n'en est qu'au stade de l'exploration, que l'ouverture d'une mine reste «hypothétique», et ajoute que si elle avait lieu, l'environnement serait parfaitement protégé, avec par exemple un système de recyclage des eaux. Elle promet enfin que «sans acceptabilité sociale, aucun travail ne sera fait».

Mais le projet n'est pas abandonné. La présidente argentine, Cristina Kirchner, souhaite faire progresser le secteur minier, comme le Chili ou le Pérou, et profiter de la hausse vertigineuse du cours des minerais. Les investissements étrangers ont d'ailleurs augmenté de 40% entre 2009 et 2010.

Encouragé par la présidente, le gouverneur de la Rioja, Luis Beder Herrera, multiplie donc la publicité dans les médias pour défendre son projet. Et durcit le ton. Après une nouvelle manifestation, devant la maison d'une députée pro-mine, le gouverneur a fait une comparaison entre les méthodes des écologistes et celles des nazis. Ce qui n'est pas pour calmer l'ardeur des militants, comme Carolina Suffich, qui promet «qu'il faudra lui passer sur le corps» pour que naisse un jour cette mine de la discorde.