Jacques Parizeau juge «ridicule» que des ministres libéraux utilisent ses commentaires sur les redevances pour défendre le Plan Nord. «Je vais leur demande de me payer une redevance de 5$ chaque fois qu'ils utilisent mon nom!», lance à la blague l'ancien premier ministre.

Selon lui, la hausse des redevances doit être restituée dans l'ensemble du Plan Nord. Et ce Plan Nord serait devenu «un bar ouvert».

La semaine dernière en chambre, le premier ministre Charest et le ministre des Ressources naturelles, Clément Gignac, rappelaient que M. Parizeau a déjà affirmé que «le dossier (des redevances minières) était réglé».

Le gouvernement Charest a haussé le niveau de redevances de 12% à 16%. Il espère récolter 4 milliards de dollars dans les 10 prochaines années. M. Parizeau confirme qu'on a «rétabli la situation». «Mais est-ce qu'il y aurait moyen d'augmenter considérablement les redevances, comme le suggère Yvon Allaire (professeur émérite de stratégie à l'Université du Québec à Montréal)? C'est probable pour le minerai de fer. On pourrait certainement faire mieux. Je suis moins certain pour les mines d'or. Le cours des mines d'or à la bourse ne reflète pas exactement l'enthousiasme.», dit-il.

Mais selon lui, le Plan Nord commence à nuire plus qu'il n'aide. «Auparavant, les compagnies examinaient un projet en se disant qu'elles devraient tout payer. Elles décidaient ensuite si ça les intéressait ou non. Par exemple, la mine Nunavik Nickel, qui appartient aux Chinois, a dû construire un port de mer dans la baie d'Ungava, et ils l'ont payé, entièrement.» Cette mine s'est aussi partagé avec une autre entreprise les coûts de construction d'un aéroport, et elle se fournit sa propre électricité et construit ses routes.

«Puis le Plan Nord apparaît et le gouvernement annonce à qui veut l'entendre qu'il est prêt à aider les minières, poursuit M. Parizeau. Il donne l'exemple d'Adriana Resources, associée à une société chinoise. «Tout ce que la compagnie demandait auparavant, c'était que le gouvernement lui donne accès aux terres de la couronne pour qu'elle construise un chemin de fer», raconte-t-il.

Via la Caisse de dépôt et de placement, Québec propose maintenant d'investir avec CN dans le chemin de fer, qui ira de Sept-Iles jusqu'au nord de Schefferville. Pour le justifier, on essaie de faire vibrer la corde nationaliste, juge M. Parizeau. «Vous avez entendu la déclaration du ministre Gignac à ce sujet? Il dit: on ne veut pas d'un chemin de fer chinois, on veut un chemin de fer québécois!»

La même chose s'est passée avec la mine Oceanic Iron One dans la baie d'Ungava, déplore-t-il. «Comme les autres, ils s'apprêtaient à tout payer. Mais avec le Plan Nord, on leur dit: on est prêt à vous fournir plein de services. Ça n'a pas pris de temps. Ils ont demandé à être raccordés au réseau d'Hydro-Québec et à se faire payer un port de mer. Ils ne sont pas fous!»

Au cabinet du ministre Gignac, on assure ne pas avoir l'intention de financer ce port.

Sur les 82 milliards de dollars d'investissements prévus dans le Plan Nord, 47 milliards doivent provenir d'Hydro-Québec, et plus de deux autres du gouvernement. «(Hydro-Québec) vient de signer avec Arcelor Mittal pour vendre de l'électricité au tarif L, entre 4 et 4,5 sous/kwh. On développe la Romaine juste à côté à 9 sous/kwh. Et ce coût est pour la production seulement, sans compter le transport. En l'ajoutant, on monte à 10,5 sous/kwh. On vend donc à la moitié du prix coûtant.»

Le ministre Gignac a toutefois indiqué qu'il n'offrirait un tarif privilégié qu'aux entreprises qui transformeront la ressource en sol québécois.

Les grandes mines de fer et aussi de nickel appartiennent pour la plupart à des intérêts chinois ou indiens, dit M. Parizeau. «Ce que je suggère, c'est que lorsque les nouveaux développements miniers demandent un service public, on accepte de leur fournir en échange d'actions.» Cela permettrait au Québec de participer aux bénéfices de l'entreprise, mais aussi de mieux connaître ses activités. «N'oubliez pas que vous avez des compagnies indiennes, chinoises ou américaines qui sont contrôlées à 100% (par des intérêts étrangers). À part le ministère du Revenu, il n'y a personne qui sait ce qui se passe. Et le ministère du Revenu ne parle pas.»

Dans le dernier budget Bachand, le gouvernement a créé Ressources Québec, une filiale d'IQ avec un portefeuille de projets de 1,2 milliards de dollars. Il s'engage à négocier une participation dans les sociétés qui demandent de l'aide de l'État. Pour obtenir tout le crédit d'impôt lié à l'exploration, les sociétés devront aussi accorder à Québec l'option de participer à une éventuelle exploitation. Sinon, le crédit diminuera (entre 25% et 33%).

M. Parizeau souligne qu'un tel modèle de prise d'action existait avant le Plan Nord: la mine de diamant Stornoway. «À l'origine, l'exploration a été faite à moitié-moitié par la compagnie qui contrôle Stornoway et par la Société québécois d'exploration minière (SOQEM). Dans l'intervalle, la SOQEM avait été fusionnée avec Investissement Québec (IQ). IQ a demandé 37,5% des actions contre la moitié des frais d'exploration, et qu'on lui verse aussi 2% de la valeur de la production. C'est formidable, ça. C'est le modèle de ce que l'État québécois devrait faire. Sauf que là, le Plan Nord est arrivé, et on annonce qu'on va prolonger la route 167, et le gouvernement va en payer 90%. (Rires)»

Le coût du prolongement est évalué à 331 millions$. M. Gignac dit qu'il discute avec d'autres minières pour se partager la facture. Québec n'en paiera pas plus de la moitié, espère-t-il.

Le Plan Nord ouvre le bar, dit-il. «Je n'ai pas d'objection à ce qu'on vende de l'alcool, mais au moins qu'on négocie!»