Hydro-Québec a défendu lundi devant la Régie de l'énergie ses compteurs «intelligents» à radiofréquences en allant jusqu'à faire miroiter la possibilité qu'ils entraînent une réduction tarifaire pour sa clientèle.

Si tout va comme prévu, la société d'État prévoit réaliser, à partir de 2018, des économies annuelles récurrentes de 82 millions $ grâce aux nouveaux appareils, puisque ceux-ci n'auront pas à être relevés manuellement, contrairement aux compteurs électromécaniques actuels. Les compteurs «de nouvelle génération» communiquent avec les serveurs d'Hydro par le biais du réseau de téléphonie cellulaire.

Ces 82 millions $ «vont finir par se traduire par des pressions à la baisse sur les tarifs et tous les clients vont en bénéficier», a déclaré lors d'un bref point de presse Georges Abiad, directeur du déploiement de l'infrastructure de mesurage avancée chez Hydro-Québec Distribution.

La réduction des dépenses proviendra de l'élimination de 726 postes de releveurs. Hydro a soutenu lundi que l'impact de ces suppressions d'emplois sera limité sur son personnel. Quelque 57 pour cent des releveurs auront pris leur retraite l'an prochain. Les 311 autres se verront offrir des postes ailleurs dans l'entreprise.

Des groupes comme Option consommateurs et le Syndicat canadien de la fonction publique, qui représente les releveurs, soutiennent au contraire que le projet d'un milliard de dollars ne sera pas rentable pour Hydro.

«Les chiffres avancés par Hydro-Québec sont peu solides et ne sont pas fiables», a affirmé Olivier Bourgeois, analyste en énergie pour Option consommateurs, en notant par exemple que l'entreprise n'a prévu aucun budget pour remplacer les compteurs qui cesseront de fonctionner avant la fin de leur durée de vie prévue, soit 15 ans.

Aux yeux d'Hydro-Québec, la seule avenue envisageable est le remplacement de tous les compteurs actuellement en place par des appareils à radiofréquences. D'abord, il est de plus en plus difficile de trouver des fabricants de compteurs électromécaniques. Ensuite, la société dit avoir examiné la possibilité d'installer de nouveaux compteurs ne produisant pas de radiofréquences, mais le modèle se serait avéré non rentable du fait qu'il n'éliminerait pas le recours aux releveurs. Enfin, on dit s'être penché sur l'idée de brancher les nouveaux compteurs au réseau en passant par les lignes téléphoniques ou la câblodistribution, mais les coûts se seraient révélés trop élevés.

Lors de l'appel d'offres, auquel ont participé les six principaux fabricants de compteurs, «nous avons demandé s'il y avait d'autres alternatives possibles et la plupart nous ont dit «non, c'est cette proposition-là (les compteurs à radiofréquences) qu'on vous fait', a dit M. Abiad. C'est le standard qui est adopté en Amérique du Nord.»

Manifestation

Comme prévu, des opposants aux nouveaux compteurs se sont fait entendre, lundi, alors que la Régie amorçait ses audiences publiques sur le controversé projet d'Hydro-Québec.

Une dizaine de personnes ont manifesté devant l'entrée des bureaux de l'organisme, situés dans la Tour de la Bourse, à Montréal. Rassemblés par la Coalition québécoise de lutte contre la pollution électromagnétique (CQLPE), les protestataires estiment que les radiofréquences nuisent à la santé humaine.

Des citoyens ont rapporté avoir connu des problèmes de santé - maux de tête, étourdissements et pertes d'appétit, notamment - surtout dans des immeubles à logements multiples où plusieurs compteurs ont été installés. Certains d'entre eux affirment que ces ennuis ont cessé lorsque les compteurs ont été enlevés ou isolés.

Dans la salle d'audiences de la Régie, Daniel Richard, vice-président du réseau de distribution d'Hydro-Québec, a martelé que le niveau des radiofréquences émises par les compteurs «intelligents» est plus de 100 000 fois inférieur aux seuils établis par Santé Canada. Selon Hydro, les compteurs émettent beaucoup moins de radiofréquences qu'un ordinateur portable avec Internet sans fil, un cellulaire pendant une conversation téléphonique et un micro-ondes en marche.

Alors que M. Richard affirmait que les nouveaux compteurs n'ont «aucun impact sur la santé», un citoyen qui assistait à l'audience s'est levé et a crié que toute sa famille était malade à cause des radiofréquences. Il a rapidement été escorté à l'extérieur de la salle par une employée de la Régie.

Plusieurs organismes ont par ailleurs dénoncé l'«option de retrait» annoncée la semaine dernière par Hydro-Québec. Les clients qui refuseront les nouveaux compteurs devront payer 98 $ pour l'installation d'un compteur «non communicant» puis 17 $ (plus taxes) par mois pour couvrir les coûts de la relève manuelle.

Pour la CQLPE, cette offre de retrait est «inacceptable» parce qu'un résidant qui s'en prévaudra devra tout de même subir les ondes électromagnétiques des compteurs de ses voisins. Et évidemment, il y a l'aspect économique.

«Cette option-là devrait être accessible à tous les ménages, pas uniquement les gens qui ont les moyens de payer 17 $ par mois jusqu'à la fin des temps», a glissé M. Bourgeois, d'Option consommateurs.

Hydro-Québec a fait valoir lundi que la mise en place des nouveaux compteurs lui permettra d'améliorer son service. L'entreprise promet que ses clients pourront consulter leur consommation réelle sur Internet à tout moment et qu'ils pourront bénéficier d'un rétablissement plus rapide du courant après une panne. Les procédures de déménagement seraient également facilitées.

Hydro a assuré que les compteurs «intelligents» constituaient une «technologie mature et robuste». Près de 53 millions de ces appareils ont été installés dans le monde depuis 2004, principalement en Europe, et 90 millions de plus doivent l'être au cours des prochaines années.