Payant ou non, le Plan Nord? Après une analyse de SECOR, qui anticipait des revenus à l'État d'au moins 20 milliards de dollars et des retombées économiques de presque 150 milliards sur 25 ans, une nouvelle étude dévoilée hier avertit plutôt que le contribuable n'en aura pas pour son argent avec le projet gouvernemental.

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L'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS) estime que le Plan Nord, «dans son montage actuel, nous apparaît [...] exagérément favorable à l'entreprise privée en faisant porter la plus grande part des risques aux contribuables québécois». Selon le scénario le plus optimiste évalué par l'IRIS, le Plan Nord sera déficitaire de 8,45 milliards sur un quart de siècle.

De Paris, le premier ministre Jean Charest a jugé le constat «totalement faux» et a dit «accorder plus de crédibilité» à l'analyse de SECOR, publiée à la fin de février.

Cette étude prévoit des revenus gouvernementaux au moins 40% plus importants que les prévisions mêmes du gouvernement du Québec, aussi utilisées par l'IRIS. Tout cela, avec des investissements publics bien moindres que ceux utilisés par l'IRIS.

Comment le Plan Nord peut-il avoir deux visages aussi différents? Tout est une question d'hypothèses de travail.

Le gouvernement présente le Plan Nord comme un projet de 80 milliards. Hydro-Québec fournira 47 milliards pour ses projets de développement. Les 33 milliards restants rassemblent des investissements publics et privés, notamment pour le développement des projets miniers et les infrastructures.

L'IRIS a évalué trois scénarios sur la répartition de ces 33 milliards, selon lesquels l'État fournirait 50, 60 ou 70% du total. Selon le scénario le plus favorable au contribuable (50%), l'État investirait 16,5 milliards. Or, observe l'IRIS, le gouvernement évalue les retombées fiscales du Plan Nord à 14,2 milliards, incluant les redevances et les impôts des sociétés, ce qui crée déjà un déficit de 2,3 milliards.

L'auteur Bertrand Schepper soutient aussi que Québec n'a pas comptabilisé quelque 6,15 milliards de dépenses supplémentaires «afin d'absorber les effets socio-économiques d'un boom minier et de la hausse de population qui s'ensuivra». Ces coûts incluent les services sociaux et de santé, l'entretien des routes, le crédit d'impôt relatif aux ressources et les coûts de restauration des sites miniers abandonnés. On en arrive au déficit de 8,45 milliards, qui passerait à 15 milliards si l'État contribuait pour 70% des investissements publics-privés prévus au Plan Nord.

Les trois scénarios de l'IRIS s'inspirent d'une information brièvement mentionnée dans certains médias l'été dernier, mais jamais confirmée par le gouvernement. Au cabinet du ministre responsable du Plan Nord, Clément Gignac, on explique que la répartition des 33 milliards n'a jamais été établie de façon précise en raison de l'horizon de très long terme du projet.

SECOR a utilisé une tout autre hypothèse pour les 33 milliards. Ils évaluent les dépenses d'infrastructures à 4,6 milliards, à peu près moitié-moitié entre le privé et le public. Les 28,4 milliards restants sont des investissements liés aux projets miniers, donc très largement financés par le privé, souligne le coauteur Guillaume Caudron en entretien téléphonique.

Selon cette hypothèse, l'État investirait donc quelques milliards tout au plus. Irréaliste, selon Bertrand Schepper, de l'IRIS, considérant tous les projets d'infrastructure évoqués. Québec a déjà avancé 2,1 milliards sur cinq ans pour des infrastructures, des dépenses sociales, et une enveloppe de 500 millions à la disposition d'Investissement Québec. Mais les dépenses publiques pour les infrastructures vont naturellement diminuer avec le temps, soutient M. Caudron, de SECOR.

SECOR prévoit des retombées fiscales de 19,6 milliards sur 25 ans, sans compter les redevances et les impôts sur les sociétés, qu'elle juge trop risqués d'estimer à long terme parce qu'ils sont basés sur la performance des entreprises.

L'IRIS est un institut de recherche à but non lucratif, indépendant et progressiste. SECOR est une firme de conseil en stratégie et management.