Les membres du conseil d'administration de Fibrek (T.FBK) ont dû faire une croix sur leur congé de Noël pour finaliser leur réponse à l'offre d'achat hostile (OPA) de Produits forestiers Résolu (T.ABH). Dans une lettre déposée le 30 décembre dernier, ils recommandent à leurs actionnaires le rejet de la proposition de l'ancienne AbitibiBowater.

L'OPA qualifiée «d'opportuniste» par Fibrek doit être rejetée parce qu'elle «prive les actionnaires minoritaires de la valeur intrinsèque considérable offerte par l'entreprise», souligne d'emblée la lettre.

Elle «est présentée à un moment inopportun, de manière à tirer parti d'une période de turbulence des marchés boursiers et d'un creux cyclique du prix de la pâte».

En entrevue à La Presse Affaires, le président et chef de la direction de Fibrek, Pierre Gabriel Côté, ajoute que cette offre est d'autant plus opportuniste qu'AbitibiBowater «était sous la protection de la Loi sur les faillites et a lavé ses propres actionnaires» pendant que Fibrek «faisait le ménage de son bilan».

Produits forestiers Résolu, anciennement Abitibi-Consolidated, puis AbitibiBowater, avait obtenu 628 millions de dollars en 2002 pour la vente de son usine de pâte de Saint-Félicien, devenue aujourd'hui Fibrek. Résolu propose aujourd'hui de racheter la même usine, en plus de deux installations situées aux États-Unis, pour 130 millions.

Avant d'être adoptée, la proposition doit cependant recevoir l'aval des investisseurs détenant 66,6% des actions de l'entreprise. Jusqu'ici, les trois investisseurs principaux de l'entreprise appuient l'offre de Résolu. À lui seul, le holding Fairfax Financial détient 25% de Fibrek, en plus de 18% des actions de Résolu.

Cette situation transforme l'OPA en «offre d'initié», selon Pierre Gabriel Côté.

«On croit qu'il y a de l'information privilégiée qui est connue de l'actionnaire principal. Dans le contexte d'une offre d'initié, Résolu aurait donc dû procéder à une évaluation de la valeur formelle de l'entreprise, ce qu'elle n'a pas fait.»

Avant même que les autorités en valeurs mobilières se penchent sur la transaction, Fibrek a embauché la firme Canaccord pour mener cette évaluation. Une dragée toxique a aussi été ajoutée au régime de droit des actionnaires.

«Ce qu'on vise, c'est de gagner du temps», explique Pierre Gabriel Côté.

D'ici là, les membres du conseil d'administration de Fibrek discutent avec de potentiels acheteurs.

«Il faut savoir avant tout qu'on n'était pas à vendre. Mais, étant donné l'OPA, on n'a pas le choix de chercher des solutions de rechange», précise son président.

Selon lui, les actionnaires ont tout à gagner en demeurant chez Fibrek plutôt qu'en passant chez Résolu. «On pense avoir un bien meilleur modèle d'affaires. On est dans la pâte uniquement et pas du tout dans le papier journal. En plus, on a mis en place une stratégie pour augmenter nos revenus avec l'énergie.»

Fibrek ne fait pas que de la pâte. L'entreprise produit aussi de l'électricité à ses installations de Saint-Félicien. Dès décembre 2012, Fibrek vendra d'ailleurs à Hydro-Québec 9,5 mégawatts d'électricité par année par combustion de biomasse. Ce chiffre pourrait éventuellement s'élever à 33 mégawatts, pour des revenus annuels de 16 millions de dollars.