Les dirigeants d'Hydro-Québec sont attendus de pied ferme ce matin à la Régie de l'énergie, pas tellement pour justifier la hausse de tarifs de 1,7% qu'ils réclament, mais pour expliquer pourquoi l'entreprise sous-estime ses revenus année après année, ce qui lui permet de gonfler ses profits.

Tant les associations de consommateurs que les représentants de PME ont en effet remarqué que les divisions Distribution et Transport, les deux filiales réglementées d'Hydro-Québec, surpassent le taux de rendement autorisé par la Régie de l'énergie et empochent des centaines de millions de plus que prévu en profits.

Au cours des deux dernières années, la division Distribution a dépassé de 1,5% et de 5% son taux de rendement de 7,5% autorisé par la Régie de l'énergie. Ça s'est traduit par des profits supplémentaires de 105,9 millions de dollars en 2009 et 171,4 millions en 2010.

«On veut des explications», dit Martine Hébert, porte-parole au Québec de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui représente les PME.

Questionnée par la Régie sur ces écarts entre les profits prévus et les profits réalisés, Hydro a plaidé que le contexte économique incertain rend les prévisions difficiles.

«Ils ne sont pas très convaincants», estime Martine Hébert.

Le problème, c'est que personne ne peut vraiment vérifier ces prévisions, parce qu'Hydro détient toute l'information. «Ils sont juge et partie quand vient le temps de prévoir le coût du service», déplore Luc Boulanger, directeur général de l'Association des consommateurs industriels d'électricité, porte-parole des grandes entreprises. La tentation est forte pour Hydro de peser fort sur le crayon, selon lui, pour augmenter son rendement réel.

Hydro-Québec l'a implicitement reconnu en soulignant dans les documents remis à la Régie que son taux de rendement autorisé est trop bas comparativement à ceux des entreprises réglementées comparables ailleurs au Canada et aux États-Unis.

Si c'est le cas, estime Luc Boulanger, il vaut mieux que la Régie augmente ce taux de rendement plutôt que de laisser Hydro faire indirectement ce qu'elle ne peut pas faire directement. «Il faut plus de transparence», dit-il.

L'Association des consommateurs industriels d'électricité propose que la Régie partage l'excédent entre le taux de rendement autorisé et le taux de rendement réel entre les clients d'Hydro-Québec, sous forme d'une baisse de tarifs. C'est comme ça que fonctionnent la majorité des entreprises réglementées, dont Gaz Métro.

Comptabilité, prise deux

La plus grande partie de la hausse de tarifs d'électricité réclamée par Hydro, soit 1,1% de 1,7%, s'explique par un changement dans les normes comptables. L'an dernier, Hydro avait décidé de reporter son passage aux normes comptables internationales (IFRS) et revient à la charge cette année.

Selon la société d'État, l'impact de ce changement signifie une hausse de tarifs de 6,7%. Elle propose donc d'étaler cet impact sur 12 ans, ce qui permet d'atténuer cet impact.

La plupart des intervenants sont d'accord pour étaler l'effet du passage aux normes internationales (IFRS), même si plusieurs d'entre eux se questionnent toujours sur la nécessité de ce changement.

L'analyste Jean-François Blain, qui défend les intérêts de l'Union des consommateurs devant la Régie de l'énergie, se préoccupe de l'augmentation faramineuse des mauvaises créances chez Hydro-Québec.

La société d'État a débranché un nombre record de clients avant le début de l'hiver et l'Union des consommateurs s'inquiète du sort des plus démunis parmi les mauvais payeurs.

Hydro a aussi entrepris de rationaliser les activités de ses 18 centres d'appels dans la province pour réduire ses dépenses conformément à la demande du gouvernement. Selon Jean-François Blain, ce qui importe, ce n'est pas le nombre de centres d'appels, mais l'accessibilité pour la clientèle.

Demande Hausse

2008   2,90% 2,90%

2009   2,20% 1,20%

2010   0,20% 0,40%

2011   0,00% -0,40%

2012   1,70% ?

Source: Régie de l'énergie