Le débat sur l'opportunité de signer des contrats d'approvisionnement en électricité avec les alumineries a repris de plus belle avec l'octroi de deux blocs d'énergie à Alouette et Alcoa.

Les alumineries paieront le tarif régulier de la grande industrie, soit 4,3 cents le kilowattheure, ce qui est une augmentation par rapport au prix qu'elles paient actuellement en vertu de contrats secrets liés au prix du métal sur le marché. Ces contrats prendront fin entre 2014 et 2017.

Le tarif industriel d'Hydro-Québec (tarif L) n'est pas un tarif préférentiel mais il comporte quand même des avantages comparativement aux autres catégories de tarifs. Il sera exempté de l'augmentation d'au moins 3,7% par année des tarifs d'électricité entre 2014 et 2018, décrété par le gouvernement dans son budget 2010-2011. Les contrats d'approvisionnement conclus avec les alumineries prévoient aussi une limite à l'ajustement annuel qui peut leur être appliqué, ce qui n'est pas le cas des autres tarifs réglementés.

La controverse sur l'opportunité d'accueillir des alumineries au Québec est essentiellement une question de prix de l'énergie. Le coût des nouvelles installations de production d'électricité est d'environ 10 cents le kilowattheure. Il est donc déplorable de vendre le kilowattheure deux fois moins cher aux alumineries, estiment les critiques comme Jean-Thomas Bernard, spécialiste en énergie et professeur à l'Université d'Ottawa.

Le professeur a calculé que vendre cette énergie aux alumineries plutôt que de l'exporter à des prix plus élevés revient à subventionner chaque emploi dans les alumineries à hauteur de 600 000$ par année.

Les entreprises, de leur côté, prétendent que les salaires qu'elles paient et les dépenses qu'elles font au Québec font plus que compenser pour les tarifs d'électricité. Le consortium Alouette a calculé que la réalisation de son projet expansion de 2,1 milliards à Sept-Îles générera des retombées de 474, 7 millions par année.

Ces retombées sont l'équivalent de 6,6 cents le kilowattheure, selon Alouette, ce qui donne un prix de l'électricité de 10,9 cent le kilowattheure (4,3 cents du tarif L " 6,6 cents en retombées).

Le manque à gagner pour Hydro-Québec - et tous les Québécois - est la différence entre le prix qu'elle vend aux alumineries (4,3 cents le kilowattheure) et le prix qu'elle pourrait obtenir auprès d'autres clients.

Cet écart s'est beaucoup réduit récemment avec la baisse du prix de l'électricité sur le marché américain. Depuis le début de l'année, Hydro a obtenu un prix moyen de 5,3 cents le kilowattheure pour ses exportations, ce qui est à peine plus que le tarif consenti aux alumineries.

Hydro-Québec a déjà estimé que la vente d'électricité aux alumineries faisait augmenter la facture de tous les autres clients d'Hydro-Québec. Le ministre du Développement économique, Sam Hamad, l'a lui aussi admis à la suite des annonces concernant Alouette et Alcoa.

Il est possible qu'il y ait un impact à la hausse sur les tarifs d'électricité des Québécois, mais l'impact total est positif pour l'économie du Québec, a-t-il plaidé.

Le retour en grâce des alumineries s'explique en partie par les surplus qui s'empilent chez Hydro-Québec, alors que de nouvelles centrales en construction augmenteront encore la quantité d'énergie disponible.

Les contrats au tarif L qui remplacent les contrats secrets ont une durée de 20 à 25 ans et prendront fin en 2040. En 2041, le contrat tant contesté par lequel Hydro achète à très bas prix toute la production de Churchill Falls (5400 mégawatts) prendra fin lui aussi. On imagine facilement qu'il ne sera pas renouvelé, du moins pas au même prix.

Hydro-Québec aura alors peut-être besoin de l'énergie utilisée par les alumineries pour remplacer l'énergie de Terre-Neuve. Si ça arrive, le Québec pourra-t-il continuer à alimenter les alumineries en énergie à bas prix ou devra-t-il les mettre dehors? La question se pose.