C'est ce qu'on appelle la fin d'une époque. AbitibiBowater (T.ABH), entreprise aussi vieille que l'industrie des pâtes et papiers elle-même, a décidé de se débarrasser de son nom et de la lourde histoire qu'il traîne.

L'entreprise se rebaptisera Produits forestiers Résolu, avec l'accent aigu, et Resolute Forest Products en anglais, à partir du 7 novembre. À peu près au même moment, elle quittera son siège social du vénérable immeuble de la Sun Life, au centre-ville, pour s'installer au 111, rue Duke, dans la Cité du multimédia.

«L'idée est de tourner la page, a indiqué le porte-parole d'Abitibi, Pierre Choquette. La compagnie est fort différente de la compagnie qu'elle était il y a un an.»

Longue restructuration financière

AbitibiBowater vient de sortir d'une longue restructuration financière qui lui a évité la faillite. Avec moins d'employés et moins de dettes, l'entreprise pense être en mesure de survivre dans le difficile marché du papier journal et du bois d'oeuvre.

Des crises, Abitibi en a traversé quelques-unes depuis sa fondation en Ontario en 1912. L'entreprise a même été sous la protection de la loi sur la faillite pendant 14 ans, de 1932 à 1946, un record dans l'histoire des entreprises du Canada.

Au fil du temps et des fusions et acquisitions, elle a porté les noms d'Abitibi-Price (1974), Abitibi-Consolidated (1997) et AbitibiBowater (2007).

Participation des employés

Le nom de Resolute Forest Products a été choisi à la suite d'une invitation lancée par la direction à tous ses employés. Il a été suggéré par deux d'entre eux, qui travaillent dans des usines très éloignées l'une de l'autre, soit en Ontario et au Tennessee. Quelque 1400 suggestions de noms ont été recueillies auprès des employés.

«C'est clairement un nom fait plus pour un public anglophone que pour les francophones», a commenté Jean-François Ouellette, professeur en communication marketing à HEC Montréal. En anglais, le mot resolute évoque la détermination alors que résolu fait penser à résigné, selon lui. «On se résout à quelque chose qu'on ne peut empêcher», illustre-t-il.

Mais s'il se met dans la peau d'un anglophone, le professeur aime bien le nouveau nom d'Abitibi. «C'est un beau nom», dit Jean-François Ouellette.

Frédéric Metz, spécialiste de l'image et professeur retraité de l'UQAM, n'est pas du même avis. «Ça a l'air un peu d'une compagnie désespérée», estime-t-il.

Les deux spécialistes divergent aussi d'opinions sur la façon dont AbitibiBowater a procédé pour se trouver un nom. Selon Jean-François Ouellette, l'entreprise a fait preuve d'innovation en faisant appel à ses employés. Selon Frederic Metz, c'est la pire chose à faire que de laisser croire à ses employés qu'ils sont meilleurs que les firmes spécialisées pour trouver une nouvelle identité à une entreprise.

Le marché, de son côté, n'a guère réagi. Le titre d'AbitibiBowater a pris 3 cents hier, à 15,95$, à la Bourse de Toronto.