Le grand dérangement. C'est ce qu'a vécu Malartic, en Abitibi, quand la société minière Osisko a détruit tout un quartier pour en reconstruire un autre plus au nord dans le but d'ouvrir la plus grosse mine d'or du pays. À travers la parole et les émotions des citoyens qui l'ont vécu, c'est ce que raconte Nicolas Paquet dans son film La règle d'or, qui sera diffusé en fin de semaine à Montréal.

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«C'est un exemple extrême de comment une mine peut s'imposer dans une ville, explique le réalisateur Nicolas Paquet à La Presse Affaires. On a rarement vu ça, on parle de 200 maisons déplacées, et je savais qu'il y avait là matière à réflexion.»

Le gisement d'Osisko, situé sous le quartier sud de Malartic, représentait à la fois une bouée de sauvetage économique pour la ville en déclin et un grand bouleversement social pour la communauté. Sans narration, laissant les acteurs de l'histoire la raconter eux-mêmes, Nicolas Paquet montre l'amertume de citoyens arrachés à leur quartier, la détresse de ceux qui endurent toujours le bruit des dynamitages et le déchirement des autres qui voient changer la face de leur ville.

«Où est le juste milieu entre ceux qui sont contre le projet et ceux qui sont contents?», se demande le paysagiste du coin. Celui-ci témoigne tantôt de la bonne humeur qui règne en ville - enfin des emplois! - et tantôt de la hausse des loyers et des taxes qui ferait fuir les villageois moins fortunés.

En 2009 et 2010, au fil de la transformation de la communauté, le cinéaste a parcouru les rues détruites et les rues nouvelles de Malartic. Il a vu le maire se réjouir de l'apport d'Osisko à l'économie et aux infrastructures de la ville et, au même moment, des citoyens perdre leurs repères dans leur propre ville.

Osisko, qui s'exprime dans le film par l'entremise de sa directrice des communications, soutient de son côté qu'elle n'aurait pas pu aller de l'avant sans que la communauté soit prête à l'accueillir. Reste que, selon le cinéaste et des citoyens interrogés dans le film, Malartic n'obtient pas un retour suffisant pour assurer sa prospérité à long terme. «J'habite aussi dans un petit village de région (Saint-Alexandre-de-Kamouraska), dit Nicolas Paquet. Il y a été question de projets de port méthanier et d'éoliennes. Il y a de bons côtés à ces projets, mais aussi un revers à la médaille. Les petites villes se sentent prisonnières et n'ont peut-être pas le courage ou l'audace de mieux négocier, de peur de perdre des projets.»

Le film La règle d'or est présenté au Cinéma ONF, vendredi soir, à 19h, de même que samedi et dimanche à 16h30.

Les gens sont heureux, réplique Osisko

La direction d'Osisko n'avait pas encore vu le film hier, mais le vice-président aux finances de l'entreprise, Bryan Coates, a déclaré que «les gens déménagés et ceux qui utilisent les nouveaux immeubles (école, centre de soins de longue durée) sont heureux. Les membres de la communauté sont généralement satisfaits.»

Par ailleurs, tant le maire de Malartic qu'Osisko nient que des citoyens aient quitté la ville en raison des coûts de logement trop élevés. Le maire André Vezeau a aussi indiqué à La Presse Affaires que l'impôt foncier de tous les citoyens avait diminué en 2011 en raison des taxes d'entreprises payées par la société minière. Il affirme que les loyers de tous les locataires déplacés du quartier sud vers le quartier nord ont été maintenus au moment du déménagement et qu'ils n'ont pu subir par la suite que les augmentations permises par la loi. Il concède toutefois que le prix des logements pour les nouveaux arrivants est plus élevé.