Quand naîtra la route des monts Otish, fruit du Plan Nord, deux projets miniers pourraient lancer le Québec dans de nouvelles filières: le diamant et l'uranium. En attendant, la logistique est imposante dans les camps que l'on atteint que par avion. La Presse Affaires en a fait la visite.

Quelque part entre Chibougamau et le réservoir de LG4, au beau milieu d'un territoire vierge, zone de chasse et de trappe pour la famille crie Swallow, un avion amphibie se pose sur un des milliers de lacs de la région. Il accoste au quai, où les quatre seuls travailleurs sur les lieux accueillent les passagers.

Bienvenue au camp Lagopède. Il y a ici quelques petits baraquements de bois rougeâtres qui commencent à prendre de l'âge, des tentes d'équipements et un petit broyeur à roche.

À quelques pas de là, on nous emmène dans un petit cratère laissant voir une paroi rocheuse orangée. Nous sommes au sommet d'une kimberlite, une cheminée de magma durci formée il y a 640 millions d'années - et remplie de diamants.

Si tout va comme prévu, c'est à cet endroit que naîtra la première mine de diamant du Québec, vers 2015, 14 ans après la découverte des kimberlites diamantifères. C'est la société vancouvéroise Stornoway Diamond Corporation, dans laquelle Investissement Québec détient une participation de 37%, qui mène le projet Renard.

Un projet de logistique

On n'accède au projet que par avion - il n'y a pas de route et Chibougamau est à 350 kilomètres au sud. Par la voie des airs, la société a monté au camp de la machinerie lourde, le broyeur en pièces détachées, qui a pris un an et demi à construire, des foreuses et énormément de barils de carburant.

«D'un projet d'exploration, c'est devenu un projet de logistique», explique Ghislain Poirier, vice-président aux affaires publiques de Stornoway, qui nous fait visiter les lieux. Il faut penser à tout. «Si tu as du propane, mais que tu n'as pas le bon raccord, tu n'as pas de propane», illustre M. Poirier.

Le gros du travail d'exploration est terminé, ce qui explique la présence de seulement quatre employés au camp qui peut en accueillir une cinquantaine. L'entrée condamnée d'une rampe d'exploration souterraine, d'où ont été tirées 7500 tonnes de roche pour un échantillon, montre le chemin parcouru.

À la fin de l'année, plus de 150 millions auront été investis sur le projet. La distance a un effet multiplicateur sur les coûts. En 2006, un baril de diesel vendu 200$ représentait une dépense de 500$ une fois transporté jusqu'au camp Lagopède.

L'essentielle route

Stornoway dévoilera dans les prochaines semaines l'étude de faisabilité pour une mine. Mais si on peut faire progresser un projet d'exploration par des vols de petits avions Cessna Caravan, on ne peut bâtir une mine de cette façon.

C'est pour cela que Stornoway Diamond a engagé 44 millions pour le prolongement de la route 167, qui atteindra le camp Lagopède, 243 km au nord de la fin de la route actuelle. Stornoway paiera aussi 1,2 million par année pour l'entretien de la route, un des premiers projets d'infrastructure prévus dans le Plan Nord.

«La route est prévue pour 2015, mais il nous faut un accès minimal dès 2013 pour les camions, ce qui inclut donc les ponts et particulièrement celui de la rivière Eastmain», explique Ghislain Poirier.

Stornoway souhaite une mine qui traitera 6000 tonnes de minerai par jour afin de produire 30 000 carats (6kg) de diamants par semaine. Des diamants de Renard ont récemment été évalués à Anvers à une moyenne de 182$US par carat, deux fois plus que la moyenne mondiale.

Compétition pour l'emploi

La mine aura besoin de 400 employés (200 en alternance). Stornoway entend privilégier les employés de la région. «C'est la meilleure façon de garder son personnel minier», dit Ghislain Poirier.

Déjà, quelques Cris travaillent pour la société, dont le fils du «tallyman», le chef de la famille qui possède le territoire de trappe. Depuis la construction du camp Lagopède, en 2003, 25% du personnel non spécialisé est cri.

Stornoway est en négociation avec Mistissini et le Grand Conseil des Cris pour une entente sur les répercussions et bénéfices. «Nous mettons l'accent sur la formation et l'emploi», précise Ghislain Poirier.

Stornoway aura toutefois un concurrent de taille pour la main-d'oeuvre: la mine Eleonore, que Goldcorp construit à la Baie-James, aura besoin de 600 personnes à peu près en même temps, en 2015.

L'autre problème de Stornoway réside dans l'alimentation électrique. Pour l'instant, la société doit d'abord considérer le diesel pour nourrir une éventuelle mine. Il est question d'une citerne par jour, soit environ 35 000 litres quotidiennement.

Stornoway étudie toutefois avec Hydro-Québec la possibilité de construire une ligne électrique entre le site minier et la centrale Laforge-1, un trajet de 165 kilomètres.

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Renard et le diamant

1,6 MILLION DE CARATS: Production annuelle moyenne prévue au projet Renard.

133,1 MILLIONS DE CARATS: Production mondiale de diamant (2010).

182 $US: Valeur moyenne par carat au projet Renard.

90,13 $US: Valeur moyenne par carat à l'échelle mondiale (2010).