À la fin des années 90, puis avec la découverte du gisement Renard, en 2001, le Québec a tenté en vain de se positionner dans l'industrie canadienne du diamant. La ville de Matane a misé sur les découvertes diamantifères dans le nord du pays pour s'établir comme centre de transformation. Puis le gouvernement provincial a proposé en 2004 une stratégie de mise en valeur du diamant afin de profiter de la construction d'une éventuelle mine.

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Or, toutes les tailleries établies à Matane ont fait chou blanc. La mine, qu'on espérait déjà il y a plusieurs années, s'est laissé désirer, mais elle paraît enfin vouloir se concrétiser. Cela pourrait donner au Québec une nouvelle chance de faire sa place.

Le projet Renard, à 400 kilomètres au nord de Chibougamau, contient des ressources indiquées et inférées de 41 millions de carats, à une valeur moyenne de 117$US par carat. L'étude de faisabilité sera publiée d'ici peu, mais l'échéancier actuel de la société Stornoway Diamond Corporation prévoit une entrée en production en 2015.

Dans sa Stratégie minérale, publiée en 2009, le gouvernement québécois a affirmé sa volonté que 10% de la production de diamant soit réservée pour une transformation dans la province, un peu à l'image de ce qu'exigent les gouvernements des Territoires du Nord-Ouest et de l'Ontario.

L'arrivée d'une première mine de diamant au Québec pourrait donc régler un problème qui a nui à certaines tailleries qui s'étaient établies à Matane: l'approvisionnement.

Matane, éphémère centre du diamant

La ville du Bas-Saint-Laurent a tenté de créer une petite filière diamantifère avec un succès éphémère. Au milieu des années 90, le Canada découvrait son potentiel et les projets de mine faisaient du chemin, raconte Alain Bernard, du Centre canadien de valorisation du diamant à Matane. La ville y a vu une occasion. Le cégep a invité des tailleries, en tant que partenaires d'affaires, pour s'installer dans la petite ville et former des tailleurs locaux.

Deux tailleries n'ont vécu que quelques mois, tandis que Diamants du Saint-Laurent, à qui Québec avait fourni une aide initiale de 3 millions, a été en activité de 2001 à 2006. Ces trois entreprises ne faisaient pas partie des «acheteurs privilégiés» des grands producteurs de diamant de la planète, ce qui compliquait leur approvisionnement en pierres de qualité.

Diarough, qui a ouvert une usine à Matane en 2005, avait l'avantage d'avoir accès aux diamants des grands producteurs. La société internationale, un des principaux acheteurs de diamants bruts, pouvait ainsi croire au succès tout en attendant l'ouverture d'une mine québécoise.

Mais de 2005 jusqu'à sa fermeture en 2009, l'usine de Matane a accumulé les pertes. La rupture de la demande pendant la crise l'a achevée. Au moment de la fermeture, la directrice du développement des affaires, Anne Dupéré, soulignait avec dépit que l'entreprise était sur le point de sortir la tête de l'eau quand la crise s'est pointée.

Selon Pierre Leblanc, de Canadian Diamonds Consultants, Matane était un endroit mal choisi pour l'établissement de tailleries. «Il faut être à proximité des centres de communication pour faciliter le transport, soutient-il. Les diamants doivent être polis et expédiés le plus rapidement possible.»

Les tailleries ont de faibles marges de profit de 2 à 5%, observe le consultant. Chaque pépin peut faire mal.

Alain Bernard, du Centre de valorisation du diamant, croit néanmoins que ça peut fonctionner.

Il prend l'exemple de l'Ontario, où une taillerie du groupe HRA-SunDiamond taille avec succès 10% des diamants de la mine Victor. Le projet Renard pourrait marquer la renaissance des tailleries québécoises, à Matane ou ailleurs.

«Si le gouvernement s'entend avec la minière pour qu'elle livre des pierres de qualité, il n'y a aucune raison que ça ne fonctionne pas», affirme Alain Poirier.