La production de pétrole aux États-Unis a augmenté de 3% l'an dernier et atteint son plus haut niveau depuis près de 10 ans. La tendance se poursuit cette année, à un rythme qui surprend les observateurs.

Cette information n'a pas de quoi révolutionner la planète pétrole, mais elle est l'indice d'un changement majeur qui s'opère dans ce secteur stratégique.

Dans toutes les Amériques, de l'Alberta jusqu'à l'Argentine, les découvertes se succèdent et la production pétrolière augmente. Le Brésil, par exemple, pourrait produire autant de pétrole que l'Iran à la fin de cette décennie, grâce aux gisements découverts au large de ses côtes. L'Argentine vient aussi de découvrir sur ses terres le plus important gisement de pétrole depuis 30 ans. Il s'agit de pétrole bitumineux, comme celui que l'on exploite en Alberta.

Dans la plupart des cas, l'utilisation des nouvelles technologies a rendu possible l'extraction de gisements connus, mais difficiles d'accès. Le prix du pétrole sur le marché, qui reste élevé même s'il est bien en deçà de son record de 148$US le baril atteint en 2008, permet d'exploiter à profit cette ressource coûteuse à extraire. À moins de 80$US le baril, les entreprises qui exploitent les sables bitumineux canadiens, par exemple, commencent à devenir nerveuses.

Un autre facteur explique l'augmentation de l'activité pétrolière dans les Amériques. Le prix du gaz naturel étant très bas, les entreprises s'intéressent davantage au pétrole, en recourant aux mêmes techniques qui ont permis de produire en quantité du gaz de schiste.

C'est ainsi qu'il y a un véritable boom pétrolier au Dakota du Nord, près de la frontière canadienne. Au moyen du forage horizontal semblable à celui utilisé pour extraire le gaz naturel des shales, on extrait actuellement 400 000 barils par jour de la formation géologique connue sous le nom de Bakken shale.

Ce gisement est le plus important à avoir été découvert aux États-Unis depuis plus de 40 ans, avec un potentiel 4,3 milliards de barils de pétrole, si les estimations sont exactes.

Il en faudrait pas mal plus pour assurer l'indépendance énergétique des Américains, qui restent les plus grands consommateurs de pétrole du monde. Mais l'augmentation de la production permet déjà de réduire leurs importations. La baisse a été de 2% l'an dernier, selon le ministère américain de l'Énergie.

Ce qui est plus important que la baisse des importations, toutefois, c'est le changement dans la provenance de ces importations. Le Canada est devenu le premier fournisseur de pétrole des États-Unis. Viennent ensuite le Mexique et le Venezuela, deux autres pays du continent américain.

L'Arabie Saoudite, plus grand exportateur de la planète qui a déjà été le plus important fournisseur de pétrole des États-Unis, a dégringolé au quatrième rang des pays où ils s'approvisionnent.

Le Canada vend déjà deux fois plus de pétrole aux États-Unis que les Saoudiens. Les exportations canadiennes devraient augmenter encore considérablement avec le projet Keystone, le pipeline qui reliera l'Alberta au golfe du Mexique.

En raison de la hausse de la production prévue ailleurs dans les Amériques, y compris aux États-Unis, l'Arabie Saoudite et les autres pays arabes pourraient devoir cultiver leurs autres clients.

De là à prévoir la fin prochaine de l'OPEP, l'Organisation des pays producteurs de pétrole, il y a un pas que certains commentateurs américains ont déjà franchi. «En 2020, la capitale du monde de l'énergie sera probablement de retour dans l'hémisphère ouest», a-t-on pu lire récemment dans Foreign Policy, sous la plume de la spécialiste Amy Jaffe.

Peut-être bien. Mais encore faudra-t-il que les réserves dans les Amériques soient aussi importantes qu'on le croit. Surtout, il faudra que le prix du pétrole reste élevé pour permettre l'exploitation de ce pétrole plus coûteux.