La société d'État chinoise Wisco espère construire d'ici 2016 un gigantesque complexe minier de 13 milliards $ dans le Grand Nord québécois.

En partenariat avec la société canadienne Adriana Resources, Wisco  (Wuhan Iron And Steel Group Corp.) veut réaliser au Nunavik le plus grand projet minier de l'histoire du Canada.

«C'est un projet immense et complexe. Il ne s'agit pas que d'une mine, c'est beaucoup plus grand que ça», a dit le président et chef de la direction d'Adriana Resources, Allen J. Palmiere, en entrevue plus tôt cette semaine depuis ses bureaux de Toronto.

Situé dans la Fosse du Labrador à 160 kilomètres au nord de Schefferville et à 250 kilomètres au sud de Kuujjuaq, le projet du Lac Otelnuk prévoit l'extraction de 50 millions de tonnes de minerai de fer par année sur une période qui pourrait s'étendre sur 100 ans.

Il comporte en outre la construction d'un concentrateur et d'une usine de bouletage sur les lieux mêmes de l'exploitation minière.

Le projet prévoit aussi l'aménagement d'un tracé ferroviaire de 815 kilomètres vers le sud du lac Otelnuk et l'expansion du port de Sept-Îles pour l'accueil des énormes Chinamax, des navires pouvant transporter jusqu'à 400 000 tonnes de cargo.

Une fois en production, quelque 2500 travailleurs permanents seraient requis pour l'exploitation du gisement.

Les dirigeants de Wisco, l'un des plus importants aciéristes au monde, ont effectué une visite sur le terrain le mois dernier en compagnie d'ingénieurs et géologues chinois. Ils ont également rencontré le premier ministre Jean Charest le 30 août lors de sa visite à Pékin où il a fait la promotion active du Plan Nord.

Les contours du projet ont été dessinés plusieurs mois avant la publication du Plan Nord, mais les mesures d'accompagnement annoncées dans le document gouvernemental en mai dernier ont séduit les promoteurs, selon l'avocat Jean Masson, qui représente Adriana au Québec.

«Non seulement c'est un projet jamais vu, mais c'est quasiment aussi gros que ce qui se passe en Alberta (avec le boom pétrolier)», a-t-il illustré.

En vertu d'un accord conclu au début de l'année, Wisco et Adriana se partagent respectivement 60 et 40 pour cent des parts du projet. Le géant chinois s'engage à fournir au minimum 70 pour cent du financement requis.

Pour soutenir sa croissance, l'économie chinoise a besoin de fer en quantité phénoménale.

Avec six milliards de tonnes en réserve, le gisement du lac Otelnuk représente certes une occasion d'affaires pour les Chinois, acquéreurs de 60 pour cent du minerai de fer dans le monde.

Wisco veut aller vite et projette de commencer une première phase de production en 2016.

«C'est un objectif extrêmement ambitieux, mais possible», croit M. Palmiere, patron d'Adriana, qui a dû néanmoins expliquer à ses partenaires les contraintes liées aux processus de consultation et d'études en vigueur au Québec.

Des contraintes auxquelles sont peu habitués les promoteurs de l'Empire du milieu.

«Je leur ai dit dès le premier jour qu'il faudrait du temps. Ils voudraient que ça aille plus vite, mais ils comprennent», a dit M. Palmiere.

Il reste néanmoins de longues et périlleuses étapes à franchir avant que la première cargaison de fer ne prenne la mer en direction de la Chine.

Les études de faisabilité et d'impacts environnementaux de même que les audiences publiques auprès des populations inuites n'ont pas encore été menées. Une feuille de route plutôt chargée attend également les promoteurs pour le raccordement au réseau d'Hydro-Québec et pour l'utilisation des terres publiques à des fins de transport ferroviaire.

L'étude de faisabilité, dont le coût est évalué à 60 millions $, doit s'étaler sur deux ans.

Si les deux partenaires s'entendent sur la nécessité d'aller rondement, il n'est pas question de bousculer les étapes, a fait valoir M. Palmiere.

«Ce que nous attendons du gouvernement du Québec, c'est qu'il nous accompagne pour s'assurer que toutes les étapes soient bien suivies de façon à ce qu'il n'y ait pas de faux départ, pas de délais indus. Nous allons suivre le processus à la lettre, sans brûler les étapes», a-t-il dit.