Alors que le Québec continue de se contenter de miettes, l'Alberta récolte des milliards en vendant aux enchères le droit d'explorer le schiste de son sous-sol, selon le plus récent rapport annuel du ministère albertain des Ressources naturelles.

La vente aux enchères de droits d'exploration a rapporté de 2,6 milliards de dollars au trésor albertain, un record de tous les temps, selon le rapport 2010-2011 publié vendredi dernier.

Selon les analystes, le secteur en plus forte croissance est un nouveau gisement de schiste appelé Duvernay situé au nord-ouest d'Edmonton.

Selon le site web Alberta Oil, la province a récolté 2,1 milliards depuis 2009 pour le seul gisement Duvernay.

Les géants Encana, Husky et Shell font partie des entreprises qui ont payé en moyenne 1200 $ l'hectare pour les droits d'exploration dans cette région. Selon l'Oil and Gas Investor Bulletin, une parcelle dans le gisement Duvernay s'est même vendue 35 000 $ l'hectare.

L'Alberta et la Colombie-Britannique vendent toutes deux aux enchères leurs droits d'exploration, tandis que le régime en vigueur au Québec est beaucoup moins avantageux pour le trésor public.

Au Québec, les entreprises payent un loyer maximal de 50 cents l'hectare. En tout, les droits d'exploration pétroliers et gaziers rapportent environ 2 millions par année au Québec.

L'an dernier, La Presse révélait que la Colombie-Britannique avait perçu en moyenne 750 millions par année depuis 10 ans pour les droits d'exploration liés au gaz de schiste.

Il faut toutefois noter que le schiste de Duvernay en Alberta contient aussi du pétrole, ce qui explique une bonne partie de l'engouement, selon les analystes.

Les revenus du schiste albertain soulèvent donc des questions au sujet du gisement potentiel de pétrole de schiste d'Anticosti. Avec un régime de ventes aux enchères des droits d'exploration, comme celui en vigueur en Alberta et en Colombie-Britannique, ce gisement pourrait signifier d'importantes entrées d'argent pour le trésor québécois.

Le gisement de gaz de schiste de la vallée du Saint-Laurent, appelé Utica, ne contient que du gaz, dont le prix est plutôt bas actuellement. L'industrie affirme que sa rentabilité doit encore être prouvée. Mais malgré le bas prix du gaz, les gisements de gaz de schiste en Colombie-Britannique continuent de commander des prix de 1000 $ l'hectare cette année.

Des doutes malgré les milliards

En dépit des milliards d'investissements que le gaz de schiste suscite, les doutes sur la rentabilité et l'ampleur de la ressource persistent.

Le 23 août dernier, le Service géologique du gouvernement fédéral américain (USGS) a estimé que le gisement Marcellus contenait quatre fois moins de gaz que ce qu'affirmait jusqu'ici une autre branche du gouvernement, l'Agence d'information sur l'énergie (EIA).

Le gisement Marcellus se situe sous la Pennsylvanie et l'État de New York, notamment. C'est le principal gisement de gaz de schiste aux États-Unis.

«Nous considérons l'USGS comme les experts en cette matière, a affirmé à l'agence de nouvelles Bloomberg un analyste de l'EIA. Nous allons prendre leur chiffre et l'utiliser dans nos modèles.»

À la fin de juillet, le New York Times rapportait que la Securities and Exchange Commission, qui surveille les entreprises cotées en Bourse aux États-Unis, a demandé à plusieurs entreprises gazières de justifier la façon dont elles calculent leurs réserves de gaz de schiste.

Ces remises en question de l'importance stratégique du gaz de schiste a trouvé ses échos dans la diplomatie.

Dans un câble envoyé le 2 septembre 2009, et rendu public la semaine dernière par WikiLeaks, un diplomate américain faisait état des commentaires d'un haut dirigeant de l'industrie pétrolière saoudienne.

Selon Sadad Ibrahim al-Husseini, ex-vice-président de la Saudi Aramco, les réserves de gaz sont «grossièrement surestimées» et il faudrait 10 000 nouveaux puits par année simplement pour maintenir la production de gaz à son niveau actuel aux États-Unis. «La seule option sérieuse et à court terme est une plus grande efficacité énergétique», concluait M. al-Husseini.