Le CAA-Québec trouve injustifiable la hausse du prix du litre d'essence qui est venue surprendre les automobilistes de la grande région de Montréal durant la nuit de lundi à mardi, malgré une dégringolade du prix du baril de pétrole sur les marchés internationaux.

Plusieurs compagnies pétrolières ont ainsi poussé le prix du litre, celui-ci atteignant la fourchette de 1,35 $ à 1,37 $, comparativement à 1,28 $ la veille.

Or, les automobilistes étaient en droit de s'attendre au mouvement inverse puisque les pressions à la baisse se multiplient. D'une part, le prix du baril de pétrole brut sur les marchés internationaux était en chute libre depuis quelques jours, atteignant même 75,71 $ US en cours de session lundi au Nymex, son plus bas niveau en 11 mois. Bien qu'il ait repris un peu de vigueur, il a de nouveau encaissé un recul de 2,10 $ US mardi, clôturant à 79,30 $ US. D'autre part, le prix de l'essence raffinée est également en recul depuis quelques jours, et les dernières données américaines font état d'une baisse marquée de la demande d'essence sur le marché intérieur.

Le vice-président de l'Institut canadien des produits pétroliers (ICPP), Carol Montreuil, a toutefois soutenu que le prix de 1,28 $ payé au cours des derniers jours était trop bas. «En fin de semaine, quand nous étions à 1,28 $, 1,29 $ (le litre d'essence ordinaire), nous étions au prix plancher, donc nous étions à une marge de zéro.»

Le porte-parole du CAA-Québec, Philippe St-Pierre, rétorque que cet argument ne tient pas la route puisque la marge des détaillants ne se calcule pas en fonction du prix plancher fixé par la Régie de l'énergie du Québec - une fois par semaine -, mais bien en fonction de l'indicatif quotidien du coût d'acquisition. Or, les données de la semaine dernière démontrent que les détaillants n'ont jamais été près du zéro avancé par M. Montreuil, soutient le CAA-Québec.

«La plus basse marge au détail observée la semaine dernière était de 0,04 $ (le litre) dans une de nos stations-témoin à Montréal», explique Philippe St-Pierre. «À 0,054 $ toute la semaine et à 0,057 $ vendredi, c'est une marge qui était amplement suffisante, qui correspond à la moyenne provinciale.»

Mardi, le coût d'acquisition se situait à 1,22 $ et, en vendant le litre à 1,35 $, les détaillants obtiennent une marge de profit d'au-delà de 0,11 $ le litre avant taxes, ce qui, selon M. St-Pierre, est une exagération dépourvue de toute justification.

«Comment l'industrie peut-elle justifier une augmentation de cinq ou six sous le litre alors que les marchés étaient baissiers et que la marge au détail était existante? On ne parle pas d'une situation de rattrapage», fait-il valoir.

Les fluctuations du prix de l'essence ont irrité les consommateurs ces derniers mois, au point d'alerter les gouvernements, dont le résultat des réflexions se fait toujours attendre. À Ottawa, les représentants de l'industrie sont allés se justifier en juin dernier devant le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie, à la demande du ministre titulaire de l'époque, Tony Clement, mais rien n'en a découlé depuis.

À Québec, le bureau de la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, a indiqué avoir finalement reçu le rapport qu'elle avait réclamé en février dernier à la Régie de l'énergie sur les fluctuations de prix et les disparités régionales, mais celui-ci ne sera pas rendu public avant l'automne.

Quoi qu'il en soit, le vice-président de l'ICPP rappelle que les fluctuations ne sont jamais à sens unique, peu importe la tendance. «Une volatilité à la hausse ou à la baisse peut exister autant dans un marché baissier que dans un marché haussier. Ce n'est pas parce que le marché est baissier que ce sera une ligne droite en descendant. Le marché peut être baissier tout en ayant des soubresauts à la hausse ou des soubresauts à la baisse.»

De plus, Carol Montreuil fait valoir qu'au-delà des soubresauts de prix sur une courte période, les prix de l'essence à la pompe et du brut sur les marchés internationaux suivent les mêmes tendances sur le long terme.

«Ça joue dans les deux sens. Les fluctuations extrêmes comme on voit maintenant peuvent parfois amener des incohérences mais, sur une longue période, le consommateur bénéficie toujours de ces baisses lorsqu'elles surviennent au niveau mondial.»

De son côté, Philippe St-Pierre souligne qu'il est extrêmement rare que la marge des détaillants rejoigne le prix plancher et encore moins le coût d'acquisition, alors qu'il est fréquemment bien au-dessus. Il ajoute que la marge de profit chez les détaillants des grandes régions de Montréal et de Québec se maintient entre 0,05 $ et 0,06 $ le litre en moyenne, ce qui est supérieur à la moyenne québécoise.

En bout de ligne, M. St-Pierre n'en démord pas: la hausse des dernières heures est injustifiable.

«Considérant la baisse du produit brut, du produit raffiné, de la demande, il est très difficile de voir comment une augmentation à 1,35 $ le litre peut être justifiable, d'autant plus que les détaillants et l'industrie ne nous ont pas fait de cadeau la semaine dernière.»