La ministre québécoise des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, soupçonne le gouvernement fédéral de chercher à dicter ses choix énergétiques aux provinces par le biais de la nouvelle stratégie énergétique pancanadienne dont il fait la promotion.

Elle craint également qu'il veuille ainsi légitimer son financement de la ligne de transport hydroélectrique de Terre-Neuve, destinée à l'exportation, et à laquelle le Québec s'oppose.

La ministre Normandeau, qui participera lundi à la réunion annuelle des ministres des Ressources naturelles des provinces et du fédéral, à Kananaskis, en Alberta, promet de s'opposer farouchement au projet fédéral qui pourrait empiéter, selon elle, sur les compétences des provinces.

Lors d'une entrevue à La Presse Canadienne, vendredi, la ministre a expliqué qu'elle n'avait rien contre l'idée d'une plus grande collaboration entre les provinces dans le domaine de l'énergie. Mais, selon elle, le projet fédéral d'un cadre pancanadien dans le domaine énergétique risque de déboucher sur une stratégie pancanadienne plus élaborée.

«Notre crainte, c'est de voir éventuellement le fédéral dicter les choix énergétiques des provinces et, dans le fond, diriger le financement en fonction de son propre agenda», a-t-elle confié.

Elle soupçonne également que cette éventuelle stratégie pancanadienne donne carte blanche au fédéral pour financer la ligne de transport hydroélectrique de Terre-Neuve pour des fins d'exportation. Elle rappelle que le Québec a payé seul ses propres infrastructures.

«Notre crainte, c'est que l'adoption d'un cadre canadien vienne légitimer le gouvernement fédéral dans le geste qu'il pourrait poser quant à un financement qui serait accordé à Terre-Neuve et à la Nouvelle-Écosse. Nous, on pense que le gouvernement fédéral pourrait utiliser la porte d'en arrière pour arriver à ses fins, pour atteindre son objectif indirectement, c'est-à-dire via un cadre canadien dans le domaine de l'énergie», a-t-elle critiqué.

«Les Québécois, nous, on a payé cette ligne-là à même nos impôts. Et il n'est pas question que l'impôt des Québécois qu'on verse au gouvernement fédéral serve à financer une ligne de transport du côté de Terre-Neuve, ligne de transport qui va faire en sorte qu'on va vivre une concurrence déloyale de la part de Terre-Neuve sur le marché américain. Ce serait non seulement inéquitable, mais moralement et éthiquement inacceptable», a tonné la ministre Normandeau.

La ministre québécoise des Ressources naturelles a bien l'intention de réitérer son message au ministre fédéral, Joe Oliver, ainsi qu'à ses homologues des provinces, lundi. Le Québec est la seule province à s'opposer au projet fédéral, a-t-elle noté.

«Le Québec va être extrêmement vigilant. On n'est pas dupe, là. C'est la première fois que le fédéral souhaite faire adopter un cadre canadien en matière de collaboration en matière de l'énergie. Et on pense que c'est un premier pas vers une stratégie encore plus centralisée», a dénoncé la ministre, qui est aussi vice-première ministre du Québec.

Le ministre fédéral des Ressources naturelles, Joe Oliver, a fait savoir qu'il voulait adopter une stratégie énergétique nationale afin de simplifier le processus pour ceux qui veulent développer les marchés en matière énergétique.

Il a tenté de se faire rassurant, vendredi, affirmant que le fédéral ne cherchait pas à imposer sa main-mise sur un cadre énergétique pancanadien.

Il a soutenu qu'il existe un consensus au pays, tant dans les provinces qu'au sein de l'industrie et des organisations non gouvernementales, à l'effet qu'une approche pancanadienne face à l'énergie est «cruciale». Une telle vision est nécessaire pour l'avenir à long terme du Canada en tant que superpuissance énergétique, a-t-il ajouté.

Il a assuré que son gouvernement respecterait les compétences des provinces et cherchait la collaboration de toutes les parties.

Quant aux critiques qui ont été formulées par les groupes écologistes, parce que la réunion est commanditée par des entreprises pétrolières, le ministre Oliver a rétorqué que les ministres travaillaient dans l'intérêt de tous les Canadiens.