Le blé se fait rare chez les agriculteurs du Québec, et on ne parle pas de l'argent dans leurs poches. Plutôt de la culture de blé, dont les superficies ont diminué de 16,7% cet été dans la province par rapport à l'an dernier, selon les estimations de Statistique Canada.

«Il y a un effritement graduel qui se fait depuis plusieurs années, compte tenu des maladies qui influent sur le blé, a dit à La Presse Benoit Legault, directeur général de la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec. Cette année, c'est plus spectaculaire en Montérégie, à cause de la pluie abondante qui a retardé les semis.»

Les agriculteurs québécois ont semé du blé de printemps sur 40 000 hectares cette année, en baisse de 17,5% par rapport à 2010. Seuls 3700 hectares de blé d'hiver seront ensemencés, un recul de 8,1%.

«Les trois dernières années ont été très mauvaises dans le blé panifiable (pour faire le pain), il y a du découragement», a indiqué M. Legault. Beaucoup de blé n'a pu être utilisé pour consommation humaine, a-t-il expliqué, «en raison de son contenu en mycotoxines, dues aux maladies comme la fusariose dans les champs».

La situation est telle que la Boulangerie St-Méthode, dont le chiffre d'affaires frôle les 40 millions, a renoncé à s'approvisionner largement en blé québécois. Seule sa gamme Récolte de St-Méthode en contient. «On aimerait prendre plus de blé québécois, mais il n'est pas disponible», a dit Laurent Samson, directeur du marketing de St-Méthode.

Il y a deux ans, la boulangerie d'Adstock, près de Tùhetford Mines, avait prévu en acheter plusieurs tonnes. «Mais il y a eu un gros problème de fusariose, si bien que la moitié sinon plus de la récolte a dû être rejetée, a indiqué M. Samson. On a laissé tomber le projet, mais on trouve ça dommage.»

Fidèle au Québec

Première Moisson n'emploie, quant à elle, que du blé québécois cultivé sans intrant chimique depuis 2007. «Et on en utilise de plus en plus, a dit Bernard Fiset, vice-président à la production de Première Moisson. Il est de très bonne qualité, nous en sommes très contents.»

Pour s'assurer un apport suffisant, la boulangerie a cofondé la meunerie Les Moulins de Soulanges, spécialisée dans la farine à pain faite avec des grains locaux. «Il y a bien sûr une pression économique sur les producteurs de blé, avec le maïs, le soya et le canola qui se vendent à prix d'or, a reconnu Robert Beauchemin, directeur général des Moulins de Soulanges. Mais nos contrats sont en croissance.»

L'importante chute des superficies de blé prévue par Statistique Canada étonne M. Beauchemin. «Les statistiques sont des victimes innocentes qui avouent sous la torture, a-t-il illustré. Quand on parle à ceux qui vendent les semences, ils nous disent que les volumes n'ont pas baissé tant que ça.»