Une grave pénurie de main-d'oeuvre menace le boom mondial du secteur minier, à l'heure où la demande de métaux explose avec l'émergence de la Chine et de l'Inde, selon des industriels canadiens interrogés par l'AFP.

«On n'arrive pas à trouver de bons géologues», dit René Marion, PDG de la compagnie canadienne productrice d'or Gammon Gold, implantée au Mexique, qui vient de changer son nom pour AuRico Gold [[|ticker sym='T.AUQ'|]].

«La main-d'oeuvre, c'est un problème majeur, majeur», constate aussi Jean-Marc Lulin, un Parisien arrivé au Québec il y a 26 ans, PDG d'Azimut Exploration [[|ticker sym='V.AZM'|]], l'une des «juniors» les plus dynamiques de la province.

Le secteur manque de géologues, d'ingénieurs miniers et d'autres métiers spécialisés en métallurgie, en environnement ou en chimie, mais aussi de cadres ou de personnel en ressources humaines, dans neuf domaines en tout, précise Hani Mitri, professeur de génie minier à l'université McGill à Montréal.

Les raisons sont nombreuses, ne laissant espérer aucune solution rapide du problème. «L'industrie est cyclique, alors il y a des périodes de contraction et des périodes d'expansion. À chaque période de contraction, il y a une perte d'expertise phénoménale», explique M. Lulin.

Plusieurs jeunes diplômés ont ainsi réorienté leur carrière lorsqu'une récession a frappé le secteur au tournant de l'an 2000, créant «un immense vide sur le marché», rappelle M. Mitri.

Résultat, la moyenne d'âge dans l'industrie a beaucoup augmenté, atteignant aujourd'hui «la cinquantaine», environ 25 ans de plus qu'il y a une génération, s'inquiète le PDG québécois d'AuRico. Tous vont bientôt partir à la retraite «et il n'y a personne pour les remplacer».

Les professions du secteur minier n'ont traditionnellement jamais eu la cote dans les universités et c'est encore plus vrai aujourd'hui. Les universités «ne sont donc pas prêtes à répondre à un boom», résume M. Mitri.

Sans compter que plusieurs écoles des mines ont fermé leurs portes ces dernières années, en Europe comme en Amérique du Nord. Celles qui restent ne suffisent pas à la tâche, «elles n'ont pas les ressources pour, ni suffisamment de professeurs», déplore-t-il.

Il cite une étude récente qui montre qu'environ 300 diplômés vont sortir cette année des neuf universités canadiennes offrant des programmes miniers, alors qu'il en faudrait 1.000 uniquement au Canada pour répondre à la demande.

C'est en grande partie la faute de l'industrie, qui n'investit pas assez dans ces universités.

«Nous devons aider Queen's (en Ontario) ou McGill, l'une des meilleures écoles minières au monde», reconnaît le PDG de Gammon Gold.

À l'heure où la planète vit un boom minier «structurel», appelé «à durer longtemps», la situation inquiète M. Lulin, PDG d'Azimut Exploration.

Les périodes d'expansion favorisent le recrutement d'une «main-d'oeuvre peu ou pas expérimentée, voire incompétente. Les gens acquièrent l'expérience sur le tas et donc vous avez des succès, mais vous avez des échecs aussi».

Et ce, «à tous les niveaux de la profession... jusqu'aux présidents de compagnies. Il ne faut pas se faire d'illusions, il y a des gens qui sont aux plus hauts postes, qui sont complètement incompétents».

«De plus en plus d'erreurs seront donc commises si je me fie au mauvais départ qu'ont connu la vaste majorité des mines qui sont entrées en production depuis cinq ans», avertit M. Marion. La pénurie de cerveaux «crée des difficultés pour toutes les compagnies».

«Ça va ralentir la production, c'est certain», prévient M. Mitri.

Pour le PDG d'AuRico Gold, «c'est peut-être la chose la plus grave qui menace notre industrie, beaucoup plus que la hausse des coûts».