Pas de prime ou de bonus empochés avant que le fonds de retraite ne soit renfloué. C'est ce que demande le Parti québécois à AbitibiBowater (T.ABH). Il voudrait que les dirigeants mettent leurs primes dans une fiducie pour les 15 prochaines années.

L'argent servira de garantie pour les régimes de retraite des employés. «Il ne sera pas trop tard dans 15 ans pour s'acheter un yacht», a lancé Francois Rebello, critique de l'opposition officielle en matière de Régimes de retraite.

Quelque 200 millions de primes et bonus seraient en jeu. AbitibiBowater refuse d'y renoncer. «C'est un faux débat. On est venu ici pour parler de l'entente, a fermement réagi son nouveau PDG, Richard Garneau. Les autres points, je ne veux même pas en discuter.»

La société comparaissait hier en commission parlementaire pour le projet de loi 11, qui doit modifier les régimes de retraite des papetières. En septembre dernier, AbitibiBowater a conclu une entente de principe avec le gouvernement du Québec.

Après 18 mois de difficiles négociations, elle n'est plus sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC). Selon l'entente, la société peut étaler les cotisations au régime de retraite, qui est déficitaire de 1,3 milliard. Elle peut prendre 15 années pour le renflouer. Ce qui lui permet d'économiser plusieurs dizaines de millions par année.

En échange, les employés pourront toucher à 100% de leur rente. L'entente permet aussi à ceux qui sont inquiets des difficultés de l'entreprise de transférer leurs épargnes à la Régie des rentes du Québec (RRQ). Mais en échange de cette sécurité, ils conservent seulement un certain pourcentage de leurs épargnes - celui qui correspond à la capitalisation du régime de retraite.

Comme les régimes de retraite d'AbitibiBowater n'étaient solvables qu'à environ 70%, ils ne conserveraient donc que 70% de leur rente.

Pour rendre cette entente de principe effective, le gouvernement doit adopter le projet de loi 11. Il offrirait le même avantage à d'autres sociétés papetières qui sont en crise structurelle, sans toutefois s'être placées sous la protection de la LACC. Ce serait par exemple le cas de Kruger, qui a déjà entamé des négociations similaires avec la RRQ.

L'opposition demande au gouvernement de rouvrir l'entente pour offrir de nouvelles garanties aux employés et retraités. Par exemple, on voudrait qu'AbitibiBowater ajoute les retraités aux rangs des créanciers prioritaires. Il voudrait aussi que la société mette des actifs - comme ses 22 barrages et ses droits de coupe - en garantie pour les régimes de retraite.

«On ne compromet pas la relance, on cherche des solutions pour diminuer le risque des retraités», plaide M. Rebello. La Fédération des associations de retraités du Québec se dit ouverte aux propositions du PQ. Elle y voit une «amorce de solution».

Mais AbitibiBowater s'y oppose. «L'entente a été approuvée par les juges tant au Canada qu'aux États-Unis. Elle a permis de mettre en place le financement qui a sorti la compagnie de (la protection de ses créanciers). On ne peut pas retourner en arrière», soutient M. Garneau.

Il rappelle que selon l'entente, la société promet d'investir 75 millions en cinq ans au Québec et d'y maintenir son siège social. Un fonds spécial de 10 millions était aussi prévu pour les collectivités touchées.

Il a aussi essayé de défendre les bonus de six millions empochés par la direction de l'entreprise en décembre dernier, tout juste après une douloureuse restructuration et après avoir obtenu des concessions du gouvernement. «La décision de cette bonification a été prise par les créanciers», réplique M. Garneau, qui est entré en poste quelques semaines plus tard, en janvier dernier.

L'entreprise compte 6 usines, 5000 employés et quelque 10 000 retraités au Québec.

Entente «non parfaite», concède la ministre

La ministre de l'Emploi et de la Sécurité sociale, Julie Boulet, répète que l'entente avec AbitibiBowater n'est «pas parfaite», tout en la défendant. «Sinon, on faisait face à une faillite. Les fonds de retraite auraient été réduits de 25%», rappelle-t-elle. Elle ne ferme toutefois pas complètement la porte à des amendements. «Il faut voir ce qu'on est capable de faire légalement», indique-t-elle.