«Bien sûr que ça fait mal. On a diminué nos ventes de beaucoup. Shell était l'un de nos plus gros clients .» Au bout du fil, Gilles Létourneau n'y va pas par quatre chemins. Oui, la fermeture de la raffinerie Shell de Montréal-Est donne à sa petite entreprise, Outillage de l'Est, un coup dur. Mais les anciens de la raffinerie se sont replacés et donnent, quand ils le peuvent, son nom. La maison n'a pas encore coulé.

Comme Outillage de l'Est, de nombreuses entreprises qui gravitaient autour de Shell et de ses employés sont secouées par la fermeture. Du côté de la Ville, le départ de Shell représente aussi un manque à gagner de 2 millions chaque année. Malgré tout, Montréal-Est tient le coup. «La fermeture a eu l'effet d'une bombe. Ce n'est pas sur le centre qu'il y a eu un impact, mais dans les alentours, sur la Rive-Nord et la Rive-Sud» dit Robert Coutu, le maire de Montréal-Est.

L'effet domino de la fermeture de la raffinerie est plus ou moins contrôlable, estime-t-il. S'il a fait le deuil des 350 emplois bien rémunérés que la raffinerie maintenait dans la région, il pense maintenant plutôt aux investissements possibles sur les terrains qui seront bientôt disponibles. «On veut valoriser Montréal-Est et son zonage industriel. On veut s'en aller vers d'autres types d'industrie, miser sur l'énergie solaire ou la valorisation des déchets», poursuit-il.

De nombreuses entreprises ont vu le jour pendant l'âge d'or de la pétrochimie à Montréal-Est. C'est le cas de Marsulex, une entreprise spécialisée dans la récupération du soufre des raffineries. Évidemment, la fermeture de Shell a été difficile à avaler pour les 40 employés. D'autant plus que Marsulex s'était agrandie au cours des dernières années, pour faire face à une demande que l'on imaginait alors croissante.

Il a beau avoir vu fermer, dans les années 80, les raffineries montréalaises les unes après les autres, Marc Hunziker, le directeur de Marsulex, refuse de se laisser abattre. Le contrat de son entreprise avec Shell se prolonge jusqu'en 2015. «Ça nous donne le temps de nous préparer. Notre futur, c'est la viabilité de Suncor», explique-t-il.

Shell attend encore le permis du ministère des Ressources naturelles pour démanteler ses installations mais promet de collaborer avec la Ville dans ce dossier. Mais plus que la perte de revenus qu'engendre la transformation de la raffinerie en terminal d'importation, c'est la perte d'un savoir-faire québécois que regrettent certains. «On parle de pétrole, mais ce n'est pas seulement utilisé dans les voitures. Le savoir-faire québécois dans ce domaine est prouvé. C'est dommage de le perdre», regrette M. Hunziker.

Une fermeture qui n'a pas nui à Shell

Les appels au boycottage de Shell lancés dans la foulée de l'annonce de la fermeture n'ont eu aucun impact sur les affaires de la pétrolière. « On n'a observé aucun mouvement de boycottage, dit Nicole Belval, porte-parole de l'entreprise. Au contraire: notre marque est solidement implantée au Québec et nous n'avons aucun souci à ce niveau-là.» Le terminal d'importation fonctionne à présent depuis huit mois et Shell n'a reçu aucune plainte concernant la qualité de ses produits.