Le gouvernement Charest se montre peu ouvert à l'idée de plafonner le prix de l'essence, comme le propose le Parti québécois. Officiellement, le gouvernement a demandé à la Régie de l'énergie d'étudier la mesure, qu'ont adoptée la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve dans les dernières années.

Mais avant même de connaître l'avis de la Régie, le premier ministre a critiqué la proposition, vendredi. Selon lui, un prix plafond limiterait la concurrence et pourrait nuire aux consommateurs.

François Rebello, porte-parole de l'opposition officielle en matière de protection des consommateurs, croit que la mesure pourrait faire baisser le prix de l'essence, mais «pas de façon majeure». Il donne l'exemple du Nouveau-Brunswick, où les marges au détail ont diminué d'environ 1 cent le litre dans les mois qui ont suivi l'adoption de la loi, en 2006.

La proposition vient de l'Association québécoise des indépendants du pétrole (AQIP). Elle est appuyée par le PQ, l'Union des consommateurs (UDC) et l'Association pour la protection des automobilistes (APA).

La Régie de l'énergie fixe déjà chaque semaine un prix plancher à partir du prix à la raffinerie. On voudrait qu'elle fixe aussi un plafond pour Montréal, le Québec central et les régions éloignées. Ce prix serait réévalué chaque jour, contrairement à ce qui se fait actuellement au Québec et dans les Maritimes.

Le ministre du Développement économique, Clément Gignac, estime que la proposition relève de la «pensée magique», car le prix plafond fluctuera quand même avec les cours du brut, soutient-il. «Ça n'immuniserait pas contre une tendance haussière.»

Le plafond forcerait toutefois les détaillants à maintenir leurs prix plus stables. «La volatilité des prix diminuerait», reconnaît le ministre. Par ailleurs, selon lui, les prix augmenteraient peut-être moins vite, mais ils baisseraient aussi plus lentement.

CAA-Québec s'oppose aussi au plafonnement parce qu'il pourrait entraîner une hausse des prix: «Quand il y a un prix plafond, les détaillants ont tendance à s'y tenir», explique son porte-parole, Cédric Essiminy.

Comme le PQ et l'AQIP, CAA-Québec souhaite toutefois que le prix minimum soit désormais calculé sur une base quotidienne. L'organisme propose en outre que Québec établisse et rende publique une marge de profit raisonnable pour chaque région. Les consommateurs sauraient donc s'ils sont floués par les détaillants. En ce moment, les variations de prix sont soudaines et difficiles à expliquer, explique M. Essiminy. Par exemple, la marge de profit des détaillants était de 11,2 cents le litre à Montréal jeudi. Elle est redescendue à 9  cents vendredi. Elle est habituellement de 6 cents.

Le prix à la pompe dépend essentiellement du coût du baril de brut, de la marge de raffinage, de la marge du détaillant et des taxes.

Jeudi, le ministre fédéral de l'Industrie, Tony Clement, a convoqué les représentants de l'industrie pétrolière en commission parlementaire. Il leur reproche le manque de transparence dans leur façon d'établir leur prix.

Diminuer la dépendance

Le gouvernement québécois a par ailleurs réagi au prix de l'essence en vantant des mesures déjà annoncées. Le Québec a un déficit commercial de 17 milliards de dollars, dont les deux tiers sont dus à l'importation d'hydrocarbures. Pour diminuer la dépendance de la province à l'égard des énergies fossiles, le ministre Gignac a fait valoir les investissements dans les services de transports en commun (1 milliard de dollars) et le programme de promotion des véhicules électriques. D'ici à 2020, le gouvernement voudrait qu'ils comptent pour le quart du parc automobile de la province et que la part des énergies fossiles dans le bilan énergétique passe de 38% à 32%.