Au coin de l'avenue Christophe-Colomb et de la rue Saint-Zotique, dans le quartier Rosemont-La Petite-Patrie, des condos sont en construction sur le site d'une ancienne station Esso. Encore des condos, encore sur un site qui appartenait à une pétrolière.

Un peu partout dans l'île de Montréal, et particulièrement dans les quartiers centraux, le scénario se répète: les stations d'essence disparaissent.

C'est une tendance lourde qui a commencé en 1989, explique MJ Ervin, consultant de London en Ontario qui vient de réaliser un recensement des points de vente d'essence au Canada.

Entre 2008, année du dernier recensement, et 2010, le nombre de stations-service a diminué de 2,7% au Canada. Depuis 20 ans, le nombre de stations-service est passé de 20 360 à 12 710, une baisse de 38%.

Pendant la même période, le nombre de raffineries au Canada est passé de 40 à 18.

L'industrie s'est consolidée, mais a-t-elle acquis plus de contrôle sur les prix à la pompe? Il est facile de croire que oui, mais la réponse n'est pas si simple.

Selon MJ Ervin, seulement 16% des stations-service au Canada appartiennent à des raffineurs qui contrôlent aussi les prix à la pompe. La grande majorité des stations-service au Canada - 74% - appartient à des individus ou des entreprises qui ne sont ni producteurs ni raffineurs de pétrole. Ce sont les détaillants indépendants ou des entreprises comme Canadian Tire ou Costco.

Le prix à la pompe est donc fixé par ces détaillants indépendants, qui ont des coûts d'approvisionnement et des coûts d'exploitation différents selon les marchés dans lesquels ils évoluent.

Il y a de moins en moins de stations-service au Canada, mais celles qui restent ont des volumes de vente de plus en plus élevés. Plus les volumes de vente sont élevés, plus les prix à la pompe sont bas, estiment les spécialistes comme MJ Ervin. Un volume de vente élevé permet en effet d'absorber plus rapidement les coûts fixes et de baisser les prix de vente, comme le fait Walmart.

Encore là, ce n'est pas simple. C'est en Ontario qu'il y a le moins de stations-service par habitant et où les volumes par point de vente sont les plus élevés. Pourtant, les marges des détaillants sont plus élevées en Ontario (7 cents le litre en 2010) qu'au Québec (5,3 cents le litre en 2010), où il y a plus de stations-services dont le débit moyen est la moitié de ce qu'il est en Ontario.

Pour la porte-parole de l'Association québécoise des détaillants indépendants, Sonia Marcotte, c'est la preuve qu'un nombre plus élevé de stations-service signifie plus de concurrence et de meilleurs prix pour les consommateurs.

Le prix de l'essence hors taxe et sans tenir compte de la redevance verte incorporée dans le prix reste plus bas au Québec qu'en Ontario, souligne-t-elle.

Si le prix de l'essence hors taxe est moins élevé au Québec qu'en Ontario, ce n'est pas à cause des indépendants ou du plus grand nombre de stations-service, estime pour sa part le porte-parole de l'industrie pétrolière, Carol Montreuil. C'est que grâce à sa situation géographique, le Québec a accès à l'essence importée, ce qui n'est pas le cas de l'Ontario.